"L’amour plus fort – Eros qui terrasse Thanatos – c’est sûr, il y réussissait.
Cet amour n’était ni sexe ni sentiment, mais un miroir pour que chacun se voie
dans les yeux de l’autre, compassion de l’éphémère créature qui devient asexuée
et qui demande pitié. Fais-moi vivre, semblait dire l’autre, et chacun était
aussi libre que dépendant de l’autre. La tendresse est galvaudée, malaimée, et
sous-estimée, elle passe pour la passion des vieux. Cette sorte de mélange
mystique qui fait que deux êtres pactisent en secret, sans texte ni loi, est un
ciment d’amour fort : on n’a pas besoin de vivre ensemble dans le même
lieu." Extrait
du livre.
La
roulette russe…
Depuis qu’il a appris sa maladie, Pierre joue « à la roulette russe avec ce revolver
trouvé caché dans le bois de la forêt de Fontainebleau ». Un jeu
dangereux qui depuis vingt ans rythme des matins et qui lui offre chaque jour
un nouveau sursis : « Il a
encore un jour. Pourquoi avons-nous un jour de plus et pour faire quoi de
plus ? […] chaque jour, il renaissait comme un bébé… ».
Jusqu’au jour où il rencontre Matilda. Une belle
jeune femme rousse, avocate, de vingt-cinq ans. Pierre lui propose un pacte
étrange qu’elle refuse, mais ne s’oppose pas à faire plus ample connaissance.
Après cette rencontre avec la jeune femme, Pierre
rencontre la peur : « Pour la
première fois depuis longtemps, il a peur de son geste fou, car si demain,
« boum » il mourait, il ne saurait pas la suite de cette aventure qui
l’agrafait à son destin comme la meilleure des raisons de vivre : encore
aimer avant l’hiver de sa vie ».
Parce qu’en définitive la vie ne tient qu’à peu de
choses. Un évènement, une anicroche, une rencontre ou encore une parole, un
regard… suffisent parfois à faire basculer les plus rigides d’entre nous.
Personne n’est à l’abri de ce genre de bousculade intérieure causée par
l’environnement extérieur.
De son côté, Matilda n’est pas indifférente face à
cet homme, disons-le, un peu fou : « Cette
rencontre insolite lui donnait le prétexte d’un plaidoyer pour la vie, l’amour
de la vie, afin de contraindre Pierre, à force d’arguments, que sa roulette
n’était qu’une névrose. Surtout, cet homme surgi de n’importe où l’avait
touchée car il lui semblait sincère et désespéré ». Ne rien faire l’aurait rendue coupable « d’une indifférence et d’une certaine
légèreté ».
Comment vivre avec un tel fardeau ? De plus, en
tant qu’avocate, elle ne pouvait concevoir un tel acte qui ne correspondait ni
à sa morale ni à sa vocation professionnelle : « Maintenant, elle devrait plaider pour rien, pour la vie, pour
elle et pour lui ».
"Je
meure chaque nuit pour ressusciter chaque matin"
(Georges BERNANOS, extrait de "dialogue des
Carmélites")
Matilda, torturée au plus profond d’elle-même
cherchait en Pierre l’aide dont elle avait besoin. Quant à Pierre, la présence
de la jeune femme lui était devenue nécessaire, sinon indispensable : « La réalité des autres nous révèle à nous-mêmes ».
De jour en jour, l’attachement s’imposait. Faisant
plus que connaissance, ils devenaient amants. Plus de « clic » de
révolver. Plus de provocation de la vie ou de la mort. Comme chacun en a
besoin, Pierre avait trouvé en Matilda une raison de vivre, de respirer, de ne plus
vouloir tenter le diable avec sa roulette russe, de ne plus chercher à
chatouiller son arme en jouant avec la chance, ne serait-ce que pour Matilda,
encore et encore : « Il n’y a
plus besoin de roulette russe lorsque la vie prend du sens. Il devait vivre
pour elle, littéralement ».
Cependant, au fil du temps, ce « elle » va
se transformer en « elles ». L’arrivée inattendue de Sarah, il ne
l’avait pas prévu et encore moins imaginée, Pierre. Une naissance inattendue,
mais en définitive tant aimée. Rien d’autre que la naissance d’un enfant ne
pourra jamais unir plus profondément les liens de deux êtres qui s’aiment. Du
moins, c’est ce que l’on se plait à imaginer, à croire, à vouloir…
Les jours passent apportant, pratiquement toujours,
ce quotidien d’habitudes que nous redoutons tous. Les choses changent, les
pensées se modifient, les désirs bien que toujours présents diffèrent et
ralentissent leur pouvoir. On cogite, on réfléchit, parfois trop, mais : « le destin fait toujours ce qui lui
plaît en brodant sa toile sur nos actions en apparence les plus infimes ».
Et puis, qui que l’on fasse, « c’est
comme cela la vie, un peu de choix et beaucoup de choses que les évènements
extérieurs déterminent ».
Pierre prend une décision, mais les émotions qui en
émanent le torturent et il sait que « l’émotion
est mauvaise conseillère pour tout ce qui concerne l’action ».
Ira-t-il jusqu’au bout de celle-ci ?
Une très belle histoire que nous raconte l’auteur et
comme à son habitude, il nous fait l’honneur d’offrir à notre regard une
kyrielle de petites phrases qui ne manqueront pas de nous mener sur le chemin
de la réflexion, non pas en donneur de leçon, loin de là, mais simplement pour
réfléchir aux choses, aux sentiments, à l’amour et plus encore. Néanmoins,
chacun peut s’arrêter sur ce chemin pour simplement continuer sa route au fil
des pages, cela n’en demeurera pas moins un vrai plaisir et ne dénaturera en
rien ce plaisir de la lecture que nous donne cet ouvrage. C’est juste un plus !
Marie BARRILLON
Informations sur le livre :
Titre : Sept coups
Auteur : Francis BAUX
Éditions : Éditions Les 2 Encres
Collection Encres Nomades
ISBN : 9782351685099
Format broché d'occasion : 3,99 €
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