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lundi 22 novembre 2010

Traduire un silence

"J’avance dans le vide, je recule sans raison puis je m’élance sans but précis. C’est cela, les amoureux sont conduits par le destin de la passion. D’un mouvement de la main, tu rejettes en arrière ta belle chevelure, tes joues se dégagent, ton charme pétille, ton sourire s’étale, l’éclat de tes yeux m’aveugle, ton visage d’ange plein de mansuétude se retrouve, et moi dans ton univers où tout rime, je baigne, la tête dans les nuages."
Extrait du livre

L’AMOUR EN ECHEC…

Dans la préface réalisée par Emma Poirret nous pouvons lire, entre autre : "Iris se donne pour projet de peser le secret du silence amoureux, du silence de l’être aimé plus précisément." Nous supposons qu’il y a là de la souffrance qui s’étend, prend sa place et que l’être cherche, parfois désespérément, à comprendre car "le silence profond, insondable d’autrui nous plonge souvent dans les abîmes de l’incompréhension, nous égare dans les dédales de l’erreur, parfois."

Cela dit, nous entamons cette lecture en tentant nous aussi de comprendre ce que le personnage essaie de mettre en évidence. Il n’est pas aisé de cerner une personne qui s’enferme dans le silence de ses sentiments, laissant de ce fait s’installer une multitude de doutes et /ou incompréhensions menant effectivement parfois à des erreurs de jugement.

Et lorsque l’être aimé n’est plus là pour une raison ou pour une autre, ces incompréhensions envahissent celui qui aime encore. Le faisant plonger dans une recherche assidue qui devient inévitable, voir viscérale, comme s’il n’y avait plus que cela d’important. Résultat logique et immédiat face à l’amour qui disparaît ou prend quelques distances sans raison apparente ou évidente.

En matière d’amour et/ou de rupture amoureuse, on se rend compte au fil des pages que finalement les questions sont les mêmes dans des esprits différents. Seuls ceux qui n’ont pas vécu d’échec amoureux, si tant est qu’il en existe, ne s’apercevront pas de cette évidence et pire peut-être ne pourront comprendre que "finir est bien souvent plus difficile que commencer."

L’ANGOISSE ENVAHISSANTE…

L’angoisse arrive alors de ses petits pas pour nous envahir de grandes enjambées comme en terrain conquis sans avoir eu à batailler pour gagner sa place à la chaleur de nos souffrances, et il est à ne pas omettre que, "un des effets les plus redoutables de l’angoisse continuelle est la destruction de nos facultés de concentration."

Nous sommes également en présence de fortes contradictions au long de ce travail intérieur : "Ces souvenirs sont si touchants, si doux, si repoussants…" Mais, n’est-ce pas ce qui se produit lorsque l’esprit ne sait plus à quel saint se vouer. Penchant pour le désamour alors que le cœur aime encore si fort. Cherchant une porte de sortie digne, salutaire ou encore salvatrice alors que le poids du sentiment est si présent, si fort, qu’il empêche toutes actions en ce sens. Souhaitant se détourner mais voulant aimer encore en donnant une chance supplémentaire, une énième chance déjà tant de fois accordée à l’amour, car même si dans cet instant il demeure douloureux et parfois colérique, il l’est bien moins qu’un effacement, un détournement de l’être que l’on aime malgré soi : "L’âme repliée se replie sur elle-même et garde ses sentiments pour elle."

Nous ressentirons, par moment, le cœur tant blessé en appui sur des mots qui font d’un cas une généralité : "Car chaque fois que le mot "amour" est articulé, la femme prend à volonté ses distances et ses réserves, mais une fois qu’elle remarque et qu’elle sent que même cette amitié est sur le point de se rompre, vu que l’homme ne voit pas les choses de cet œil, elle court alors à la conquête de son amour et de ses amours perdues. Faut-il les qualifier de femmes prudentes, de femmes pudiques ? […] En ces moments critiques, rien n’a de valeur à leurs yeux que le désir fervent d’assouvir les caprices de leurs cœurs."

On ressent intensément la douleur de cet homme blessé au plus profond de lui. En ce passage, on peut ressentir une dévalorisation totale de la femme en son cœur, comme si elle était une éternelle capricieuse, ce qui à mon sens n’est pas le cas. Les femmes savent autant aimer que les hommes, avec tout autant d’honnêteté, de force, de volonté. Là, j’y vois un peu plus une généralité que dans le passage précédemment cité. La femme se sert tout autant de son cœur, peut-être est-elle plus discrète. Et encore j’en doute.

DESCRIPTION SURPRENANTE DE LA FEMME…

"Le mal qui taraude et corrode le cœur de l’homme est une jouissance à celui de la femme", là encore je ne peux être qu’en désaccord car l’inverse est tout aussi vrai. Mais, nous comprenons que cette douleur apporte de telles réactions. Nous en savons quelque chose. N’avons-nous pas vécu de tels passages de perte de soi, de repères face à l’amour insolent qui se détourne ? Bien sûr que si ! Ce qui en émane pour tout être c’est la raison et la déraison qui se frôlent de manière si claire et explicite lorsque l’on ne s’y attend pas.

Puis, au fil des pages, nous allons à la rencontre de Tiziri, une jeune fille de dix-sept ans. Nous côtoyons ses romances, ses turbulences, ses douleurs et ses questionnements intérieurs qui ont tant d’importance à cet âge.
Tiziri est la source des angoisses du narrateur, tout comme l’est le narrateur pour la jeune fille. Arriveront-ils à se comprendre ? A se parler ? A communiquer ou simplement se regarder, non seulement avec les yeux mais aussi avec le cœur ? Ou au contraire laisseront-ils entre eux les distances les éloigner encore un peu plus ?

Il est parfois, et parfois souvent, si difficile de mettre à jour ce qui se trouve dans les pensées et plus encore ce qui navigue au fond de soi, dans le cœur. Ce qui amène moult questions sans parler des angoisses perturbantes : "Si je m’interroge c’est pour trouver une réponse à mon point d’interrogation planté magistralement et magiquement dans ma conscience afin de pouvoir le raidir et le transformer en point d’exclamation."  N’est-ce pas en ce sens la recherche de tout être ? Mais, il est certes difficile de trouver des réponses, surtout en amour, et surtout aussi lorsque l’on a en face de soi une personne qui s’enferme dans un mutisme quasi insondable. Les craintes sont probablement similaires de l’un à l’autre mais comme souvent la communication s’échappe, l’ampleur des angoisses s’amplifie et le silence prend place. Et même si "d’un moment à un autre, on change de face et d’humeur", il en demeure pas moins que, "on est seul avec son âme comme l’est la nature avec son silence." Toujours est-il que cela n’apporte pas le dialogue. L’effort doit se faire de part et d’autre. Les réponses aux diverses questions viendront à partir de ce moment pour le moins crucial.

UN CAS POUR UNE GENERALITE : SOUVENT LE RESULTAT D’UNE RUPTURE AMOUREUSE…

Cependant, nous remarquerons une fois encore que l’image de la femme n’est pas vraiment dépeinte de manière glorieuse : "Les fumeuses trouvent moins de plaisir en amour, elles jouissent moins car l’effet de la cigarette sur les hormones est néfaste. Elle fripe et la santé et le reste." Et pour les hommes, qu’en est-il donc ? Aucune statistique ne met en avant une telle affirmation. Je me permettrais un écart, une fois n’est certes pas coutume car je suis une femme et fumeuse effectivement. Et je constate cependant que bien des femmes (fumeuses) ne font pas leur âge, je précise en cela qu’on leur donne quelques années de moins, et pour le reste, en ce qui me concerne, je me sens tout à fait épanouie et sans problème aucun avec mes jouissances.

Si nous suivions le raisonnement de cet extrait, nous en déduirions que si les femmes ne fumaient pas, elles seraient donc à la limite de la nymphomanie ou en tout cas dans une extase extrême au moment "d’aimer". Est-ce le cas des femmes non fumeuses ? Je m’interroge.

Toujours concernant les femmes : "J’admire sa beauté mais je crains son esprit, ce foyer des dépassements"[…] "Je n’ai rien compris à ce jeu. Si je le qualifie de jeu, c’est parce que j’ai toujours considéré les égarements des femmes comme tels. Elles jouent, tombent victimes et cherchent alors refuge" […] "C’est ainsi les filles dans leurs ruses, elles ravivent le doute pour pimenter le jeu et y trouvent du goût". Faire d’un cas une généralité comme présentement ici est souvent le résultat de profondes douleurs qui amènent également à ce genre d’amalgame, pas toujours très bien perçu, comme encore par exemple : "Ainsi est la femme, on ne voit que "elle", on espère que "elle", on l’idéalise. Elle devient alors inaccessible, impossible et c’est elle la source de nos souffrances" […] "A mon sens, on ne provoque pas n’importe qu’elle fille dans la rue que si celle-ci a une mauvaise réputation" […]"Dire que le caractère féminin est un sacré foyer de mensonges".

Plusieurs exemples de ce genre ne nous glorifient pas, nous les femmes, c’est le moins qu’on puisse dire. Les hommes en ce sens seraient-ils ou plutôt se croiraient-ils supérieurs à ce point ? Je préfère rester sur mon impression première qui me laisse à penser que seule une souffrance trop importante peut amener l’être à de telles conclusions concernant le sexe opposé car dans le cas inverse ceci est également valable.

La qualité de l’édition est correcte (papier, couverture, mise en page).
Mais, on regrettera une qualité de brochage assez moyenne car fragile (un ensemble de pages se détache du reste du livre)
On déplorera des erreurs typographies assez fréquentes, des mots collés entre eux ou des passages à la ligne impromptus sans même être arrivé en bout de page, ce qui gêne quelque peu la lecture.
Des poésies parsèment le roman, pour notre plus grand plaisir tout de même.
On trouve un beau style dans la plume de l’auteur et les tournures de phrases.

On trouvera dommage de rencontrer certaines fautes ou encore un mélange de temps de conjugaison qui ne sont pas appropriés et rend la lecture dérangeante.
On trouvera également dommage de ne pas avoir de traduction sur les quelques dialogues kabyle car on s’aperçoit de leur présence en fin d’ouvrage mais aucune indication ne renvoie à ces dernières pages au cours de la lecture.
On se sentira parfois seul dans le texte car une grande partie de ce roman est en quelque sorte un long monologue qui est parfois un peu lassant.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Traduire un silence
Auteur : Iris
Editions : Editions Franco-Berbères
ISBN 13 : 9782354530044
Prix : 18,50 euros



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