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mardi 1 septembre 2009

L'utopie des hommes qui s'aiment

« Il releva la tête, et dévoila enfin ses yeux. On y découvrit un regard empli d’une tristesse qui sembla infinie. Son visage était d’un blanc pale et verdâtre, semblable à celui d’un laitage qui aurait commencé à mal tourner. Le portrait décontenança. On y était. Le public était fin prêt à s’abreuver de ses paroles. »
Extrait du livre

LE PROCES…


Edelweiss est une jolie jeune femme n’ayant pas encore abordé, ni même frôlé les trente ans, et qui se retrouve dans un tribunal « accusée d’homicide involontaire. » Lorsqu’elle arrive, elle paraît apaisée et détendue mais dans le même temps, « elle s’était dite indignée, choquée, blessée dans son âme. » On le serait à moins, surtout lorsque l’on sait que la personne supposée avoir été tuée se trouve également dans cette même salle d’audience, parfaitement vivante. Cette personne en réalité c’est « il » puisqu’il s’agit d’un homme.

La question que l’on pourrait donc se poser avant tout chose et avant même toute compréhension est : comment peut-on se retrouver accusé d’homicide involontaire quand la personne supposée avoir été tuée est vivante et bien vivante ? En toute logique c’est impossible. En toute logique ! Seulement pour comprendre, continuons la lecture surprenante de ce cas assez farfelu, quoique !

Cette affaire prenant une importante tournure, même sous ses airs loufoques, tous les médias écrits et télévisés s’emparent du sujet : « Avec ce procès, on baignait dans la plus véritable des TV réalités. »
Après un début d’interrogatoire des plus houleux où Edelweiss doit s’expliquer sa relation avec l’homme en question et avouer aux oreilles de tous son manque d’amour envers lui, elle reconnaît une simple relation d’amitié accompagnée de beaucoup d’estime. L’homme n’a pas supporté d’être éconduit lorsqu’il lui avait révélé son amour pour elle.

Le magistrat qui est en train d’interroger la jeune femme reconnaît tout de même : « J’ai menti mais je ne pouvais faire autrement, malheureusement. En raison de manque de notre société […] J’accuse en réalité Edelweiss N d’un crime pour lequel aujourd’hui il n’existe pas d’inculpation possible. Le meurtre de l’âme d’un être humain. » Le vacarme dans la salle d’audience redouble forçant le président à user de son marteau ainsi que de la menace de faire évacuer la salle sans retour au calme et au silence immédiat dans le cas contraire.

UNE PARODIE QUI DEVIENT SERIEUSE…

Et le magistrat de se confondre en moult explications sur les raisons de cette accusation. Ne laissant place à la parole pour personne, il se déverse en palabres et en philosophie sur les sentiments et ses dégâts sur l’âme humaine. Arguant dans le même temps que le corps et l’âme seraient indépendant l’un de l’autre : « Nous faisons bien naturellement, Mesdames et Messieurs, depuis longtemps la séparation de l’âme et du corps » après avoir cité une multitude d’exemples remontant pour certains à la nuit des temps.

Puis, c’est au tour de l’avocat de la défense de prendre la parole, se permettant quelques moqueries sur l’incongruité de ce procès parmi ses arguments de défense. Déclarant haut et fort : entre « un homme qui veut se faire passer pour victime d’un crime qui n’existe pas, et d’un avocat général qui se prend pour le messie de l’humanité. » Il n’épargne ni le plaignant, ni son avocat.

Des témoins sont appelés. Certains dont on se demande bien ce qu’ils font là, d’ailleurs ils s’en interrogent eux-même comme cette femme, Abigaël, ex petite amie du plaignant, ex sans vraiment l’avoir été exactement et qui déclare être « assez surprise d’être appelée à témoigner ici. » Toutes sortes de personnes ont suivi Abigaël comme témoin. Des gens sans grande importance.

Nous avons là, une parodie douteuse sous couvert d’un procès de bonne conscience. La foule agglutinée dans la salle faisait preuve d’une grande attention à présent. Elle attendait que tombe le couperet de la sentence, dans un sens ou dans l’autre, malgré l’incohérence de la situation, « tout ça pour succomber pitoyablement au coup sec de l’implacable cruauté du destin. Ils étaient prêts […] l’estocade parée, celle de l’humiliation sans pitié. » Cette foule en avait après le plaignant, se plaçant volontairement du côté de l’accusée. On peut le comprendre aisément. Un tel procès ne relève-t-il pas du comique ?

LA SENTENCE…


Imaginons-nous un instant dans cette salle, n’aurions-nous pas envie parfois d’en rire ? Qui n’a pas eu le cœur brisé par amour au moins une fois ? En avons-nous pour autant fait un procès ? Bien sur que non !

Et le plaignant, à son tour, fait état de sa situation mentale lorsque vient son tour d’avoir la parole : « Les mots que vous entendez actuellement sont prononcés par un mort-vivant. » affirme-t-il. Puis, il nous parle des prédispositions des uns et des autres au bonheur, à la joie, au rire ou au contraire aux peines, au désespoir. Ils se reconnaît facilement dans ces derniers : « Il me semble que je suis né avec une propension au néant […] Je me contentais de contempler les autres. »

Mais finalement, ses épanchements sur sa vie et son état mental personnel touche l’assistance qui ressent soudain pour cet homme « une compassion irrépressible devant sa souffrance pudique, son infinie tristesse. » Chacun se souvient alors d’avoir vécu un jour cette perte du bonheur, d’en avoir souffert à outrance. Pendus aux mots du plaignant, ils compatissent à présent à l’unisson.
Dans les jours suivants cette première audience « la risée de tout un peuple s’était transformée en son idole. Le vent avait tourné contre Edelweiss. »

Le verdict tombe, Edelweiss est reconnue coupable. Mais les choses n’en reste pas là. Les médias relatent, les émissions s’enchaînent faisant de ce sujet : Le sujet. Experts et philosophes débattent, donnent leur point de vue, dissertent.

Nous avons là un roman assez prenant face au burlesque de la situation. On ne s’y ennuie pas certes et on sourit parce qu’effectivement cette situation s’y prête malgré le sérieux des sentiments et même si parfois on se reconnaît dans certains mots du plaignant. On constate une fois encore comment le monde est capable de se laisser emporter.

Prix standard pour ce roman qui nous apporte tout de même un peu de réflexion.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : L’utopie des hommes qui s’aiment
Auteur : Vu Hoang Co Thuy
Editions : Le Manuscrit
ISBN 13 : 9782304027426
Prix : 14,90 euros

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