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vendredi 13 novembre 2009

Face à face

« Je suis avec toi sans hier, ni demain. Je suis partout dans une histoire qui se date, de notre première rencontre à nos inquiétudes à poursuivre autrement, de nos certitudes à nous choisir, à la découverte de nos limites posées comme un obstacle à prolonger l’histoire. Bonheur confortable, elle remet en cause sans cesse ce qui pourrait tellement convenir. »
Extrait du livre

COMME UN CONTE DE FEE…


Tout commence par « Il était une fois », comme un conte de fée. Mais…rien n’étant jamais simple, il fallait bien un grain de sable pour enrayer cette douce continuité. Un amour profond où les limites se reculent, où l’envahissement prend forme et inonde, où l’être se reconnaît à l’autre dans une profonde évidence : « Notre histoire est unique, légende, mythe, je ne sais pas ce qui m’attire tant chez toi, je sais simplement que c’est toi. »

L’union se construit, le couple prend forme mais au-delà de cette situation où tout paraît si limpide, il faut parvenir à trouver sa place. C’est la difficulté que rencontre la narratrice.
D’ailleurs, n’est-ce pas la difficulté de bon nombre de femmes ? Prendre part à la vie d’un homme en conjuguant avec l’élément essentiel qui le construit : sa mère. Mais, est-ce possible ? Chercher une place au moins égale à celle-ci. Ne pas tenter de la détrôner, non ce serait une erreur, mais espérer poser les pieds sur la même estrade : « J’observe… et je vois l’enfant en toi, assis entre ta mère et moi tu ne sais qui aimer, faut-il en abandonner une pour choisir l’autre. »

La position est délicate pour la femme, bien moins pour la mère. Cette dernière ne se pose pas la question puisque comme une évidence le cœur de son fils lui est tout acquis. Une simple normalité. Mais la femme, consciente de cette évidence, doit se positionner sans rien dénaturer, même par inadvertance, même involontairement. Et même si « tout s’envisage ensemble comme un même visage pour recouvrir leurs rêves » des doutes persistent.

ETRE PARENTS : UN APPRENTISSAGE…


Puis, dans la continuité de cette vie, faire face à la venue d’un enfant alourdit l’organisation dans ce positionnement. Etre parent, c’est se diviser, se partager, mais aussi se multiplier, l’un envers l’autre, et également envers l’enfant. Mais cette conscience n’est pas toujours présente au premier abord. Il faut trouver d’autres repères pour maintenir cette existence commune, « il cherche une nouvelle place près d’elle, cette mère comme sa propre mère, il voudrait qu’elle le berce […] De la femme à la mère, de qui a-t-il envie ? C’est souvent le cas à la suite d’une naissance, l’homme, le père se sent délaissé, oublié.

L’enfant demande du temps, de l’amour. Y a-t-il assez d’amour dans le cœur pour en distribuer à tout ce petit monde ? Certes oui, mais encore faut-il parvenir à le donner équitablement, ce qui n’est pas toujours facile. Ce qui manque aussi ce n’est pas le sentiment en lui-même, c’est plutôt le temps qui ne permet pas toujours d’être au petit soin de chacun. Il faut se départager et le compte n’est pas forcément équitable : « Je ne t’oublie pas, je construit la mère en moi. Il n’est pas inquiet, juste à côté, sur le banc de touche, en bord de terrain. » 

Dans le même temps, la jeune mère est en apprentissage de son nouveau rôle. Il lui faut l’associer au précédent. Tout est à apprendre. Il n’y a pas de formation, de stage pour être mère. L’apprentissage se fait « sur le tas ». Il faut remplir tous les vides, combler les manques, garnir les cœurs. Chacun aborde ses propres interrogations intérieurement, la mère pas moins que le père : « Je suis mère, tu es père mais sommes-nous encore un couple ? »

La communication ne s’établit pas. Chacun à l’autre bout de l’autre, l’enfant entre les deux. Chacun sa rive au lieu d’être coude à coude, main dans la main, cœur contre cœur. « Ils se scrutent, chacun en attente du premier pas de l’autre, il suffirait de si peu. »
Ce manque de communication les éloigne encore et encore. Lui, travaille de plus en plus, et de plus en plus tard. Il tente de montrer par un autre moyen qu’il est là, qu’il existe et qu’il n’est pas que le père, ce qu’il croit voir dans le regard de sa femme. Elle, elle le voit mais il ne s’en rend pas compte ou elle ne le montre pas, chacun trop occupé à sonder son propre état. Elle est consciente et « elle est fière de ce qu’il fait pour leur fille, leur hutte s’embellit, ils changent de voiture, rassurant salaire qui augmente sans cesse comme augmente ce qui insidieusement les sépare déjà. »

L’un comme l’autre cherche un sens à cette vie qu’ils avaient imaginée autrement, toujours enlacé dans les émois des premiers instants. Il suffirait de peu, de quelques mots dit au moment opportun, de quelques gestes pour retrouver cette unité qui leur échappe. Mais, la femme a besoin de reconnaissance. Elle en a assez de n’être plus que la mère. Elle a besoin de  s’affirmer, se montrer, grandir. Etre et être reconnue : « De la mère à la femme, sacrifice pour y accéder, sentiment d’une perte, ma place chère à payer. […] Pas seulement mère, au-delà de l’épouse la femme se construit. » Lui ne dit rien, laisse faire, accepte, se résigne. Sans mot les distances s’imposent un peu plus, chacun à observer l’autre dans cette vie commune qui n’y ressemble plus vraiment. Vie commune distancée. « Le reproche comme moyen d’expression ».

LA FAUTE AVOUEE…


Le couple fané dans ses émois et peut-être même dans les sentiments parfois. Se voir sans se regarder ou se regarder sans se voir, mais plus se regarder pour se voir vraiment. Tout juste l’apparence des silhouettes qu’ils reconnaissent en l’autre avec leurs changements et les défauts du temps qui se posent en laissant leur emprunte : « Il la regarde à peine, elle a grossi, il lui en veut, elle l’évite, il la fuit. Etonnante course poursuite où il faut surtout tourner le dos à l’autre, éviter toute confrontation. »

Puis, dans la perdition de leur couple, chercher une résurrection, ailleurs. L’infidélité naissante comme une arme fatale mais infidélité pour revivre. Besoin de se voir exister dans un regard, et si ce n’est plus dans celui de son mari, ce sera dans celui d’un autre homme : « Je m’égare quand je te retrouve, parce que je me sais vivante. […] Tromper pour ne pas mourir. […] Je ne savais plus que j’étais belle. »

C’est une erreur. On n’a jamais réglé les problèmes de couple par l’infidélité. Elle en sera consciente, après. Après cet acte fatal qui va les conduire droit vers l’éclatement du couple. Lui s’en va, il lui faut laisser échapper cette douleur qui le brise, et ce cri, « le cri d’une bête assassinée […] On ne retient pas celui qu’on assassine. » Un retour peut-il être possible quand « chacun porte son chagrin » comme une plaie béante ?

Elle va espérer le retour de son mari blessé. L’attente de ce retour devient presque une occupation indispensable à la survie de l’épouse qu’elle est redevenue : « Si mes attentes sont vaines, alors nos chemins ne se croiseront plus. » Il leur faut se réapprendre, se reconstruire, tout refaire mais autrement : « Ils reprennent contact, ils ont laissé passer un peu de temps, le temps du manque, le temps d’un battement de cœur. » Elle s’est cherché longtemps. Il lui a fallut tout briser pour se retrouver. Elle était pour lui avant d’être pour elle-même.

« Face à face » est un récit où l’on se pose des questions sur soi-même. Est-on pour nous-même avant d’être pour l’autre ? Souvent, nous vivons en couple, heureux de l’être, nous voulons le croire mais nous voyons-nous vraiment sur le fil du quotidien que nous traversons ? Les jours passent mais la vision s’éteint et comme clairement exprimé dans ce livre, souvent nous n’apercevons plus que la mère, le père, et non plus la femme, l’homme. Pourtant, avant d’être les premiers, nous sommes avant tout les seconds.


A certains, ce livre apportera peut-être une remise en question avec de bonnes interrogations.
Quelques petits défauts de typographie sont à noter mais qui ne dénaturent pas l’ouvrage.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Face à face
Auteur : Anne Leuret
Editions : Praelego
ISBN 13 : 9782813100054
Prix : 12,00 euros

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