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samedi 19 décembre 2009

Guère d'homme

« Marie-Rose n’a plus que quelques années à vivre et elle l’ignore. S’en doute-t-elle ? Perçoit-elle ce bouton de rose logé contre son sein, attendant son heure pour éclore ? Le terreau de son cœur est adéquat. Un creux, un trou, un endroit où semer. Peut-être s’est-il formé tout au long des ans, peut-être seulement durant ces cinq dernières années. L’absence de Jean comme un trou dans le cœur. Son silence comme un engrais. » Extrait du livre

JUSTE LE GOÛT DU BONHEUR…


Marie-Rose a vingt ans. Un bel âge, celui où on devient femme. Le bonheur a croisé son chemin sous le nom de Jean. Nous sommes en 1939 et tous deux font une belle noce. Ils s’apprête à vivre ensemble de grands moments de plénitude. Marie-Rose est dorénavant « Madame » pour tout le monde, « respect et séduction, mélange subtil. « Madame. » Ils attendent un sourire. » Elle sourit volontiers. Elle est fière. Elle aime Jean, passionnément. Elle l’aime d’un amour entier et exclusif. D’un amour vrai et sincère.

Mais, la vie nous apprend bien trop vite parfois que certains bonheurs ne peuvent être éternels. C’est à ce moment précis que leur ciel bascule dans la tristesse, « le facteur a apporté une lettre pour Jean, une lettre de l’armée. » ça veut tout dire. La guerre n’est pas très loin, tout le monde en parle à mots couverts. 

Cette lettre c’est l’annonce de la mobilisation pour Jean et tant d’autres hommes. Pour ce jeune couple, c’est la séparation de leurs êtres, de leurs corps, mais pas de leur cœur. Ils vont connaître cette souffrance, en apprendre les contours puis les profondeurs avant même d’avoir vécu leur bonheur pleinement.

Jean revient de temps en temps, en permission. Il n’est pas encore complètement parti. Ces retours sont un immense délice, tant pour l’un que pour l’autre. Le bonheur au compte-gouttes. De petites injections dans le cœur, histoire d’avoir quelques souvenirs communs à l’approche des jours difficiles. 

Mais, ces retours délices sont de courte durée. La guerre éclate, Jean doit partir, vraiment cette fois, rejoindre son bataillon. Cette fois, pas de permission. Le vide envahit Marie-Rose, elle se « déchire de l’intérieur. La joie de le revoir déjà gâchée. »

Elle refuse de quitter leur maison, préférant l’y attendre. Abandonner cette maison est pour Marie-Rose comme abandonner son amour, elle ne s’y résigne pas. Emplie d’espoir, elle veut l’attendre là, chez eux. Mais, en temps de guerre, on ne sait pas qui reviendra ou ne reviendra pas. On ignore qui la chance épargnera. Les allemands sont là, elle les voit « dissimulée par le rideau de la fenêtre, en rangs, en conquérants. » 

Des soldats meurent, des civils aussi, « meurtres en cascade. » La guerre c’est cela, tuer en toute impunité, je dirai même gratuitement.

S’OCCUPER POUR SURVIVRE…


Marthe se retrouve avec ses deux enfants à loger chez Marie-Rose. Les allemands ont réquisitionné sa maison. Marie-Rose n’est plus seule mais sa douleur persiste, elle en est malade. Le mari de Marthe a également été enrôlé dans cette guerre qui n’est pas la leur, comme tous les hommes, ou presque.

Marie-Rose apporte son aide aux Sœurs qui soignent les blessés qui arrivent continuellement. Chaque jour, elle soigne et panse les corps, donne des sourires pour inoculer un peu d’espoir, de douceur, d’amour pour son prochain.

Mais souvent, la mort est au bout de ces soins qu’elle prodigue. Et cette mort est longue parfois à venir, prenant tout son temps, « des heures, des jours durant, elle extirpe les vies des corps endoloris. »

Marie-Rose met sur le compte de l’anxiété toutes les nausées qui la parcourent et qui l’encombrent, jours et nuits. Mais, Marthe a compris qu’elle est enceinte et le lui dit. Marthe connaît son affaire, elle a déjà eu deux enfants, elle n’a pas de surprise. 

Marie-Rose devra faire face en regardant son ventre s’arrondir avant d’en expulser la vie. Cette petite vie qu’elle devra soutenir à bout de bras et à la force de son cœur. Elle aurait tant aimé que Jean soit là pour sentir remuer son ventre, prendre leur enfant à son premier souffle, son premier cri.

LA CHANCE NE SOURIT PAS À TOUT LE MONDE…


Le mari de Marthe est libéré. Elle rentre chez elle, laissant Marie-Rose seule à nouveau. Son ventre porte la vie mais elle est seule. Seule et esseulée dans cette guerre qui la démunie de ses forces. Jean n’a pas eu cette chance d’être libéré. Elle apprend par des hommes revenus que Jean a été envoyé dans un stalag en Allemagne.

Marie-Rose lui écrit souvent et lui envoie des colis. Des vêtements chauds qu’elle tricote, des chaussettes, des pulls de laine. En Allemagne les hivers sont rudes. Les courriers mettent des semaines à lui parvenir, puis soudains elle n’en reçoit plus. Elle découvre l’angoisse plus brûlante que celle qu’elle connaissait déjà, elle ressent la peur aussi, profonde, qui incise le cœur à blanc. Cette peur qui n’épargne pas et qui fait un peu plus mal à chaque jour nouveau.

La narratrice nous raconte Marie-Rose, mais sa propre vie s’interpose. Elle est en souffrance. Une souffrance profonde qui la lacère mais dont elle tait les moindres traits autour d’elle : « Je ne dis rien, je n’y parviens pas. Les mots comme des épines au fond de ma gorge, aux creux de mes poumons, au coin de mon cœur. » Elle se sépare de Maxime, son amour et est incapable de lui dire qu’elle « manque de lui à en mourir. » Qu’elle lâche prise, qu’elle abandonne l’espoir d’un renouveau. 

Elle ne parvient pas à dissocier sa propre vie de celle de Marie-Rose comme un lien invisible entre elles. Elle se retrouve parfois aussi en elle, ne pouvant s’empêcher de faire un rapprochement de leurs deux vies à soixante ans d’écart.

Mais, qui est Marie-Rose pour la narratrice ? Qu’est-ce qui peut ainsi les unir ? Leurs souffrances sont similaires dans des vies différentes. Une belle histoire comme sait les conter Fidéline Dujeu. Une histoire pleine d’amour. D’amour exclusif et passionné. De l’amour à la douleur en passant par les peines, les joies, les plaisirs, le désespoir parfois. Tous les sentiments s’y trouvent mêlés à divers degrés.

Un prix un peu élevé pour ce petit roman de 104 pages, mais finalement la lecture nous permet de concéder que l’ouvrage le mérite.

Comme à son habitude, l’auteur nous offre une multitude de sentiments. L’entremêlement des deux vies est sincèrement bien pensé.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Auteur : Fidéline Dujeu
Editions : Le Somnambule Equivoque
ISBN 13 : 9782930377148
Broché d'occasion : 13,33 €

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