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mardi 8 décembre 2009

La muette

« Tout est silence dans cette cellule et je n’entends que les battements de mon cœur, les démons du passé s’élancent sur moi, j’ai peur, j’étouffe, je ne veux pas mourir avec cette haine qui me transperce et me ravage, je ne veux pas être pendue avec cette souffrance secrète que j’ai dû supporter. Je ne veux pas l’emporter avec moi dans la tombe, je veux mourir en paix, délivrée, je dois épuiser ma souffrance dans cette cellule, je dois enregistrer ma haine dans ce cahier. » Extrait du livre

DES FEMMES SANS DROIT… NI TITRE

D’emblée, il faut garder à l’esprit que « La muette » est une histoire vraie. Une histoire où nous devons avoir le cœur bien accroché, sinon il ne faut pas en ouvrir les pages. Les larmes risquent de s’écouler sur cette réalité inconcevable, invraisemblable, inimaginable. Et pourtant…

Fatemeh a quinze ans et se trouve en prison en Iran d’où elle est originaire. Elle est dans l’attente d’être pendue. Nous ne savons pas encore pourquoi, et nous ne l’imaginons pas une seule seconde. Mais, la gravité est là.

C’est de sa cellule qu’elle a rempli les pages d’un cahier : Cette histoire. Elle dit dans les premières pages : «  J’écris pour que quelqu’un se souvienne de la muette et de moi, parce que mourir comme ça, sans rien, m’effraie […] Je ne demande pas à être approuvée, seulement comprise. »

Elle nous raconte son enfance en Iran, dans la misère, la drogue qui circule, les violences, bien qu’elle précise qu’elle n’était pas malheureuse jusqu’au moment où… Elle nous explique pourquoi sa tante, sœur de son père, était muette. Elle ne l’avait pas toujours été. Un drame s’était déroulé devant ses yeux d’enfant alors qu’elle n’avait que dix ans. Ensuite, plus aucun son n’était sorti de sa bouche.

Fatemeh nous fait partager également, l’amour qui la liait à « La muette », mais aussi celui qui unissait « La muette » au frère de sa belle-sœur. Elle nous conte son emprisonnement, les tortures, les violences, la gentillesse d’un jeune gardien qui lui donne discrètement de l’opium caché dans un morceau de mouchoir en papier pour contrer la douleur.

Le gardien n’a pas le droit de converser avec elle, mais il le fait tout de même de temps en temps et de manière modérée : « Il doit avoir dans les vingt ans ; moi avec mes quinze ans, je suis aussi vieille que l’éternité. » 

Fatemeh, du fond de sa cellule, nous raconte l’amour de « La muette », sa tante maternelle pour son oncle paternel dans un pays où le droit à l’amour semble des plus interdits et « où l’amour est toujours l’affaire de l’honneur des frères et des pères, une affaire de contrat et d’arrangements, un simple commerce. »

« La muette » promise, par la mère de Fatemeh au Mollah, ne veut pas de ce mariage. Elle fera en sorte qu’il n’arrive pas. Elle est découverte, enlacée dans le lit de l’oncle : « La muette et mon oncle étaient nus, endormis dans les bras l’un de l’autre. »


LAPIDATION OU PENDAISON ?

La suite est purement inconcevable, alors qu’il aurait pu émaner de cette union un immense bonheur. Le Mollah décide de répudier « La muette. » Cette « promise » qui a osé « l’adultère » : « Aux yeux du Mollah, la muette avait commis l’adultère ; elle n’était pas officiellement sa femme, mais il l’avait demandée en mariage auprès de ma mère qui lui avait donné le consentement de mon père. »

La répudiation ne suffisant pas, le Mollah veut la lapidation sur la place publique du quartier. Le père de Fatemeh va trouver le Mollah pour tenter une « conciliation » et parvenir à éviter cet acte barbare. Après maintes discussions, et même les larmes pour le sort de sa sœur, il parvient à faire changer d’avis le Mollah.

Celui-ci tranche, « La muette » sera pendue sans lapidation à la condition que l’homme lui donne la main de sa fille : Fatemeh. Il accepte.

Comment peut-on en arriver là ? Le sort de l’une contre le sort de l’autre. « Chaque être s’appartient à lui-même sans que quiconque n’ait un droit de regard sur ses choix » est ma devise personnelle et je ne peux pas admettre qu’il existe encore de par le monde des actes aussi cruels et barbares. 

Au nom de quoi une femme n’aurait-elle pas le droit au choix pour sa propre destinée, sa vie ? Au nom de qui ses actes doivent-ils être contrôlés et décidés un à un par d’autres, par l’homme ? La révolte monte. Impossible d’imaginer que cela puisse encore exister, et pourtant…

La pendaison aura lieu en place publique de manière à ce que chacun la voit et en retienne « la leçon. » Fatemeh veut y être pour voir sa tante une dernière fois, car elle n’a plus été autorisée à la voir depuis son arrestation. Mais, elle court pour y être aussi : « pour ne pas oublier ce qu’on lui avait fait. » 

VIVRE L’INVIVABLE OU MOURIR ?

Suite à la pendaison de « La muette », que nous jugerons tout à fait injuste et inacceptable, Fatemeh est mariée contre son gré au Mollah. Elle n’a alors que treize ans. Elle se retrouve enceinte peu de temps après : « Je n’avais pas encore tout à fait quatorze ans et j’allais être mère de l’enfant d’un homme que je haïssais. » Être mère de force à  peine sortie de l’enfance a de quoi révolter tout être sensé !

Mais, Fatemeh n’en restera pas là, et même si la fin de cette histoire est tragique et violente, elle restait la seule possibilité que la jeune fille ait trouvé pour ce sortir de cette condition invivable, tout en sachant que l’issue serait la pendaison pour elle aussi. Entre vivre ainsi ou mourir, Fatemeh a fait son choix, le seul dans sa toute jeune existence.

Au début de ce récit, Fatemeh dit qu’elle ne demande pas à être approuvée, mais juste comprise pour ses actes, elle est à mon sens très largement pardonnée et profondément pardonnable.

Ce récit assez court, mais difficile à lire par la teneur des fait relatés, à moins d’être insensible, met à jour s’il le fallait encore, les pratiques barbares sous couvert de coutumes et de religion, et les diverses formes de violences tant physiques que verbales et morales que subissent encore trop de femmes de nos jours, de par le monde, y compris les pendaisons et les lapidations publiques (ou non).

Ne détournons pas le regard !

Une lecture pour tous sans retenue, ni concession. une lecture à ne pas laisser de côté.
Le prix n’est pas élevé, mais quel qu’il soit cela n’a pas vraiment d’importance face à la gravité du sujet.
Ce livre percute l’intérieur en profondeur. Il fait froid dans le dos et brûle les chairs tout à la fois.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : La muette
Auteur : Chahdortt Djavann
Editions : Flammarion
Collection : Littérature française
ISBN 13 : 9782081210530
Format broché : 14,20 €
Format poche : 6,80 €
Format Kindle : 5,99 €

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