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vendredi 9 juillet 2010

Retour à Auschwitz

"N’importe quel peuple d’aujourd’hui - "civilisé" ou non – peut basculer dans la folie meurtrière. La Shoah semble un mystère parce qu’elle a été le fait d’un peuple cultivé, "avancé", et qu’elle a mis en œuvre toutes les ressources de la technologie moderne, avec les résultats effarants qu’on connaît… Mais du coup, d’autres Shoah sont possible. Tant que nous n’aurons pas atteint un degré vraiment supérieur de civilisation, le danger sera présent."
Extrait du livre

PETITE CRISE SANS IMPORTANCE…

Tout d’abord, je remercie l’auteur de m’avoir si gentiment dédicacé son livre.

Tout commence comme on n’y aurait pas songé. Jef, en compagnie de son grand-père est à Paris pour quelques jours. Paris en France précise-t-il, et pour cause : "Nous étions au bar de l’hôtel Lutécia, à Paris, en France. Je précise, parce que Paris (Illinois) est à trois heures de route de Péoria, le trou où j’habite."

Jef accompagne son grand-père pendant quinze jours en Europe à la demande de son père. Mais, Jef n’est pas très heureux car il avait prévu de passer ces quinze jours-là avec sa copine du moment. Il est déçu et en veut presque à son grand-père : "J’étais bien décidé à faire la gueule à grand-père (mais je me connaissais : j’aimai trop grandpa. Si je tenais un jour ou deux sans lui adresser la parole, ce serait le bout du monde) […] Je le regardais avec tendresse : sûr que ça allait être difficile de lui faire la gueule pendant quinze jours."

A l’hôtel tous deux se dirigent vers la salle de restaurant. Jef avait troqué son short contre un Jean’s alors que son grand-père avait revêtu un beau costume. Car visiblement, l’homme avait pour habitude de toujours porter une attention particulière à sa tenue, quelle que soient les circonstances.

CONFIDENCES, CONFIDENCES…

Grandpa commence à parler des allemands à son petit-fils. Ce dernier se sent tout à coup très intéressé : "Mon vœu de silence s’était envolé depuis belle lurette." Durant la guerre de 39-45, grandpa y était et pas en simple spectateur. C’était un tout jeune homme de dix-huit ans à l’époque, l’âge de Jef aujourd’hui.

Le lieu où se trouvent Jef et grandpa aujourd’hui prête à confidence car il rappelle des souvenirs au grand-père. Et des souvenirs pas franchement toujours gais : "Cet hôtel… Figure-toi que pendant la guerre, il servait de quartier général à l’Abwher, l’armée allemande".

Jef et son grand-père quittent la France. Grandpa souhaite aller en Pologne. C’est Jef qui est au volant d’une belle Mercedes cabriolet. Sur la route, grandpa lui parle de sa jeunesse mais de cette partie qui entoure la période de la guerre de 39-45 tel qu’il avait commencé à le faire à l’hôtel Lutécia, à Paris.

Lorsqu’ils traversent Berlin, Jef remarque le mur. Au moment des faits, il n’était pas encore tombé. Puis, après de longues heures de route, ils arrivent à Varsovie. Jef est fatigué de ce voyage, concentré sur sa conduite et n’aspire qu’à se reposer. Grandpa, quant à lui, souhaite visiter la ville. Une dispute éclate entre les deux hommes : "Désolé, Jeffrey. Mais tu m’accompagne. On va à Auschwitz." Jef connaissait l’histoire et n’avait pas vraiment envie de s’y plonger.

Petit affrontement entre deux générations ignorantes l’une de l’autre. Mais, les choses sont moins évidentes lorsque l’une porte un secret que l’autre ne connaît pas. Il en résulte donc une certaine incompréhension légitime.

LE SERIEUX DE L’UN, LA JEUNESSE DE L’AUTRE...

Grandpa laisse Jef en plan pour se rendre seul à Auschwitz. Jef de son côté rencontre "un tas de jeunes, polonais et étrangers, toujours partant pour faire la fête. Mais tout ça avait un arrière goût-amer." Son grand-père lui manque. Il aurait encore voulu entendre son histoire, la suite, ce qu’il ne sait pas encore. Ils se retrouvent cinq jours plus tard. Ils s’expliquent gentiment dans la voiture.

Jef a repris le volant pour revenir en France car grandpa souhaitait retourner dans une petite ville où il avait vécu durant la guerre. Lorsqu’ils arrivent, le grand-père intima à Jef de ne plus prononcer un mot de français : "A partir de maintenant tu ne parles plus français. […] Disons qu’on vient d’entrer dans la réserve et qu’on ne sait pas si les Indiens sont sur le sentier de la guerre…"

Mais, qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Pourquoi ne fallait-il plus parler français ? Etrange le grandpa tout de même. Jef avait malgré tout réussi à soutirer une information. Son grand-père cherchait ici à retrouver son amour de jeunesse ; mais cela ne justifiait pas de ne plus parler français ! Que manigançait le grand-père ? Jef ne parvenait pas à suivre les intentions du vieil homme. Il apprenait le passé de ce dernier au compte-goutte.

Ce village de France, Auschwitz, un amour de jeunesse et maintenant une sœur dont il n’avait jamais entendu parler. Décidément, un grand-père très secret !
Jef ne manquera pas de faire des découvertes, il constatait une évidence : "Il mentait comme un arracheur de dents, mais ça, je ne le savais pas encore."

Ils arrivèrent face à l’ancienne propriété de grandpa. Tout a changé bien sûr, mais Adèle, l’amour de jeunesse, est toujours là : "Ca fait quarante-cinq ans, Jean…" Jef n’en croit pas ses oreilles : "Jean et pas John. Sacré nuance." Il réalise que son grand-père cache bien plus de choses qu’il n’y paraît. A partir de là, rien ne va plus. Grandpa fini par raconter son histoire à Jef. Son histoire, la vraie… La guerre, les rafles, le maquis, les juifs, les spoliations…

DECOUVERTES ET VERITES...

Jef découvre ses véritables origines et au-delà de cela, l’histoire de la guerre de 39-45. De la bouche de son grand-père, ça n’a plus le même sens que dans les livres d’histoire.

Mais, au sortir de la propriété, ils sont suivis par deux voitures. A croire que quelque chose perdure. On leur en veut, tout au moins au grand-père, mais de quoi et surtout cinquante ans après. Les deux hommes se retrouvent en cavale, puis en planque, avant que n’arrivent "des amis" que le grand-père a contacté pour les aider à se sortir de ce guêpier.

Les amis, Etienne et Barbara, ne traînent pas. Les informations qu’ils ont obtenues sont de grande importance. Jef et grandpa commencent à comprendre l’inimaginable. Comme quoi le temps est parfois notre allié et parfois notre ennemi.

En revenant dans la région où il avait vécu avec ses parents durant la guerre, grandpa n’imaginait pas une seconde se retrouver dans cette situation tortueuse, entre meurtre et vengeance sous couvert de trahison.

Voici un excellent roman où il n’y a pas une seconde d’ennui. On le lâche difficilement et à la fin, il nous laisse un excellent sentiment de satisfaction. Il n’y a rien à lui reprocher mais au contraire, tous les qualificatifs positifs à lui allouer. Transmettre un peu de notre histoire fait également partie de ce livre, certes pas comme les autres, même si ce n’est pas son but premier. On remarquera la formidable mise en avant pour le côté historique des faits, les spoliations… qui mettent en valeur l’ensemble du roman, page après page.

On appréciera ce retour sur le passé avec un œil autre que celui de l’histoire communément entendue. On aimera cette unité de deux générations qui aurait pu être diamétralement opposées, mais ne l’est pas. On retiendra également les multiples recherches de l’auteur pour construire son ouvrage tout au long des pages. Et beaucoup d’autres choses encore.

Quelques citations relevées au cœur du roman :

"Il paraît que je parlais fort. Ce n’était pas moi qui parlait fort, mais les autres qui murmuraient."
"Le mal fini toujours par rattraper ses auteurs."
"Si l’on gratte un peu la peau du "civilisé", ou sa carapace, comme on veut, on retrouve le primitif."
"Tant qu’on n’arrive pas à nommer les choses, à les intellectualiser, on ne les comprend pas. Et ce qu’on ne comprend pas, on le refoule."

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Retour à Auschwitz
Auteur : Daniel Gauthier
Editions : Amalthée
ISBN 13 : 9782310005289
Prix : 22,00 euros

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