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samedi 10 octobre 2009

La vie, en gros

« Vous avez quarante-six ans… Alors pour vous, l’enfance, l’adolescence, tout ça ce n’est plus qu’une étape qui vous a amené jusqu’à votre âge d’aujourd’hui… Mais moi, j’ai quinze ans, et je passe pas mon temps à me dire que je suis en train de devenir adulte et que donc, ce qui m’arrive n’est pas grave ! J’ai quinze ans, et je vis ! L’enfance, l’adolescence, c’est tout ce que j’connais, c’est pas un souvenir, c’est ma réalité ! Pour vous, la vraie vie, c’est l’âge que vous avez… C’est l’âge adulte ! Pour moi, la vraie vie, c’est maintenant, et si elle est triste, je suis triste ! »
Extrait du livre

PREMIER TRIMESTRE : VISITE MEDICALE FUNESTE…


Benjamin a quinze ans, il est en troisième. Dans le couloir, il attend son tour pour la visite médicale. Sa seule pensée à ce moment c’est d’espérer que l’infirmière soit « un boudin », une moche, pour éviter le plus possible d’être inondé par la honte. Il n’est pas à l’aise avec les filles à l’heure où au contraire les amourettes commencent à se déclarer. Rougissements et bafouillages sont de rigueur lorsqu’une fille vient lui parler en particulier.

Alors là, ça tombe bien, Nathan sort de l’infirmerie et lui confirme en douce que c’est bien « un boudin » qui fait la visite médicale. Dans la classe de Benjamin, il y a « deux catégories de garçons, ceux qui l »ont fait et les autres. » Benjamin fait partie de la seconde, bien qu’il ne l’avouerait pour rien au monde.

Il rentre à son tour à l’infirmerie et là, tout se complique dans sa tête. Se mettre en slip est loin d’être une partie de plaisir mais rien de trop grave dans la mesure où, comme nous l’avons vu, l’infirmière est loin d’être une beauté fatale. La prise de mesure sur la toise usée par les années, là aussi tout va bien. Mais lorsqu’il faut monter sur la balance, c’est bien moins évident. C’est une de ces anciennes machines, pour ne pas dire une relique, « une machine diabolique avec des poids et des contrepoids sur des barres de métal chromé. » Lorsqu’il monte sur la balance, pourtant avec délicatesse, les barres cognent brusquement faisant un boucan qui ne passe pas inaperçu.

Benjamin sent la sentence sous ses pieds car pour lui, les balances sont ses pires ennemies. L’infirmière annonce un mètre soixante-sept pour quatre-vingt neuf kilos six cents grammes. Les choses se gâtent encore pour lui lorsque « la dame boudin » lui dit de faire trente génuflexions. Impossible d’y échapper. C’est à bout de souffle, en sueur et démoralisé que benjamin arrive au bout de la série : « A chaque génuflexion, comme elle avait dit, je voyais mon ventre faire un pli épais sur mes grosses cuisses. »

La visite terminée, Benjamin ressort avec, à la main,  une lettre de l’infirmière destinée à ses parents. Benjamin ne tient pas, il ouvre la lettre et la lit. Il en prend un sérieux coup au moral : « Ca m’a foutu les boules. C’était comme une colle, une mauvaise moyenne ou un conseil de classe ; un truc qui vous pourrit la vie alors que tout allait bien trente secondes plus tôt. »
Benjamin aime bien manger c’est vrai, non qu’il soit affamé en permanence mais il aime simplement manger « juste pour le plaisir de sortir une assiette, une poêle, le beurre, le sel » et ainsi se faire « un micro-repas. » Il aime beaucoup faire la cuisine presque une passion : « J’ai un don pour accommoder les restes et il est bien rare que je n’arrive pas à concocter une petite recette à la va-vite avec les fonds de casseroles. »

Au collège, les regards sont moqueurs. Les autres ne s’imaginent pas le mal qu’ils sèment avec leurs sarcasmes. Le meilleur copain de Benjamin, Eric, est tout son opposé. Il est grand, très grand et très maigre. Les moqueries sont encore plus frustrantes mais c’est Benjamin qui en souffre le plus car « les gros sont jugés par les autres, toute la différence est là » contrairement à ceux qui sont grands ou petits ou difformes et qui n’y sont pour rien. Les gros dans l’esprit des gens pourraient maigrir en faisant des efforts. Ce qui est loin d’être aussi simple. Que leur état soit volontaire ou non, qu’il provienne de la gourmandise ou pas, quelle que soit son origine, l’obésité est trop souvent la risée des gens et des regards moqueurs qui en disent long sur les pensées qui courent dans les esprits de ses personnes malveillantes.

La nature n’est pas égale et ne distribue pas le même jeu à tous à la naissance. Quelles que soient les cartes que nous recevons, nous devons bien faire avec. Etre gros ne veut pas dire que l’on n’est pas quelqu’un de bien mais tous les regards ne portent pas cette pensée-là.

Lorsque sa mère décide de lui acheter un pantalon c’est un véritable supplice pour Benjamin. Un supplice qu’il connaît bien et qu’il n’a pas envie de vivre. Pourtant, bon gré, mal gré, maman l’a décidé, il la suit. Comme un fait exprès, la vendeuse qui les accueille n’a pas plus de vingt ans et est une véritable beauté, ce qui donne au jeune garçon une honte profonde. Ressortant du magasin déprimé, abattu, mais surtout profondément humilié, « sans oser croiser les jolis yeux bleus » de la vendeuse.

DEUXIEME TRIMESTRE : LES EFFORTS…


Suite à la lecture du courrier de l’infirmière scolaire, la mère de Benjamin décide de l’emmener voir un nutritionniste-acuponcteur. Après une bonne séance d’aiguille, des conseils et un régime adapté à sa croissance, Benjamin et sa mère ressortent du cabinet délestés d’un gros chèque, bien entendu non remboursable par la sécurité sociale. C’est un mercredi, et Benjamin décide de commencer son régime le lundi suivant. Durant ces quatre derniers jours de « liberté alimentaire », il se goinfre en pensant aux restrictions à venir : « Le mercredi est trop près du week-end et de ses tentations pour s’y mettre sérieusement, et tant qu’à me priver à partir du lundi, j’ai mangé en quatre jours autant qu’en huit habituellement. Une sorte de bouquet final, d’enterrement de ma vie de gros. »

Benjamin entame son régime, mais son ami Eric, mis dans la confidence ne peut s’empêcher de le raconter à tous les élèves de la classe. A la fin de la journée, dans le bus du retour, Claire vient s’asseoir près de lui. Pensant se faire charrier comme dans la journée par les autres, il reste sur la défensive parce que : « C’est quand même incroyable que les personnes qui se moquent de vous parce que vous êtes gros soient les mêmes que celles qui vous rient au nez quand vous vous mettez au régime ! » La nature humaine a cela de cruelle, ces contradictions qui animent une grande partie des êtres et tant d’incompréhension face aux différences.

Mais Claire a l’air sincère, elle l’encourage même dans son défi et les efforts qu’il tente de réaliser. Comme un fumeur, un alcoolique, un gros mangeur a le même problème d’addiction à éliminer. Les produits sont différents, les raisons peut-être aussi mais le « sevrage » face à la dépendance est tout aussi difficile.
Claire lui parle amicalement, même s’il préfèrerait que ce soit plus profond, c’est déjà bien car il aime beaucoup la jeune fille.

Les jours s’additionnent et Benjamin tient la ligne de son régime avec détermination. Les efforts commencent à payer. Au bout de deux semaines, un week-end chez son père lui fait faire un écart. Celui qu’il ne faut pas. Un restaurant en famille, une crème brûlée et le reste du week-end effacent les efforts et les bonnes résolutions.

Le lundi suivant, la reprise du régime est très chaotique. Le goût des aliments lui manque soudain terriblement. Le sucre, le sel, le beurre…tout ce qu’il doit éviter ou alors en très faibles quantités lui titillent les neurones tout autant que les papilles et l’estomac. Alors à la cantine, il craque chaque  midi et chaque midi un peu plus que le précédent. Le soir la fadeur des repas à la vapeur le désespère, allant jusqu’à calculer, par rapport à l’espérance de vie, le nombre de repas de régime sur toute une vie, la sienne bien entendu : « Il me reste approximativement soixante et une années à vivre, et donc plus de vingt-deux mille dîners ! Ca en faisait des courgettes et des carottes, des aubergines et des navets ! »

Mais Claire est de plus en plus présente. Et lorsque les sentiments s’en mêlent, on pourrait déplacer des montagnes, dans le bon sens comme dans le mauvais, tout dépendant de la réciprocité.

DERNIER TRIMESTRE : DU PIRE AU MERVEILLEUX…


L’adolescence est un passage certes inévitable mais parfois difficile dans la vie de l’enfant qui grandit. Sans être un adulte et pourtant plus un enfant, bien souvent il ne sait plus où se placer. Ses repères, il a le sentiment qu’ils disparaissent puisque qu’ils changent mais il ne les reconnaît pas encore sous ce jour nouveau. L’enfant est déstabilisé et cherche son identité. Et lorsque les sentiments viennent mettre leur grain de sel avec les premiers bouleversements amoureux, tout se complique.

Benjamin n’échappe pas à la règle et son surpoids en fait les frais. Tout se dérègle en lui, donnant naissance à un être inconnu que même ses parents ne comprennent pas. Ces derniers réalisent cependant que leur fils est face à des problèmes difficilement gérables même s’ils n’en connaissent pas la teneur.

L’adolescence est un cap malaisé également pour les parents qui se sentent impuissants devant les divers tourments que traversent leurs enfants et que, de surcroît, ils ignorent bien souvent puisque l’adolescent à tendance à se renfermer.

Benjamin trouvera-t-il les solutions qui lui permettront de remonter la pente de ses soucis, alimentaire, amoureux… ?

Un petit roman très agréable pour les adolescents de 11 à 14 ans mais également pour les parents. Il est de lecture très agréable et on se laisse facilement prendre de tendresse pour ce gamin sympathique.


Pour les enfants à partir de 11 ans, mais les grands ne s’y ennuieront pas.
A noter également, un prix tout petit.
Un petit format souple adapté aux adolescents, pour un transport facilité.
Couverture illustrée par Frédéric Rébénna.
Un très bon moment à passer avec Benjamin et qui nous permet d’entrevoir ce qui se passe dans la tête de nos ados, même s’ils sont tous différents, avec des soucis personnels tout aussi différents.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : La vie, en gros
Auteur : Mikaël Ollivier
Editions : Gallimard jeunesse
ISBN 13 : 9782070624478
Prix : 4,90 euros

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