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dimanche 20 décembre 2009

L'atelier d'écriture

« Une boule de pétanque m’obstrua l’écoutille. Je ne sus quoi répondre, partagé entre l’imposture et une réalité qui m’appartenait mais n’arrivait plus à s’exprimer. Je devais oublier une bonne fois pour toutes. Je m’étais fait assez mal comme ça. Et je terminais mon premier atelier adulte avec une enclume dans l’estomac. En y ajoutant la boule que j’avais dans le gosier, ce n’était pas le moment de me jeter à l’eau. Je restais donc sur le bord, je ne me mouillai pas, toujours cette propension à la survie. »
Extrait du livre

ON EXISTE TOUJOURS POUR QUELQU’UN…


Le narrateur commence par une plaidoirie anti-pigeons, mouches, moustiques sur un ton mi-sérieux, mi-comique. Oisif sans avoir rien d’autre à faire que d’observer ces bestioles tout en buvant du rhum : allongé sur le canapé, j’essaie de me concentrer sur la pertinence de ma présence dans ce monde aseptisé et hostile. »

Après un livre publié quelque quinze ans auparavant et qui n’avait pas reçu le succès escompté, ni aucun autre d’ailleurs, il avait décidé qu’il n’écrirait plus : « C’est l’unique bouquin que j’avais écrit, le premier et le dernier. Vu l’accueil à l’époque, ce n’est pas la peine, j’ai raccroché définitivement. »

Sans avenir, ni ami, à la limite d’un état dépressif mais en bon citoyen de l’amertume qui a fait connaissance avec la douche écossaise à plusieurs reprises, il avait fait table rase volontairement sur ses connaissances qui à présent n’osaient plus le contacter. La réponse constante que leur assénait le narrateur était sans équivoque aucun : « Ma dépression serait définitivement soignée quand je me serais fait sauter le caisson. »

Toute fois, pendant son observation des mouches et des pigeons, il entend un bruit qui lui rappelle un lointain souvenir : Le téléphone. Celui-ci n’avait plus retentit depuis des mois. Chefdeville répond sur la défensive. L’interlocutrice débite la raison de son appel avec entrain et petite gentillesse à l’appui. Quinze ans que Chefdeville n’existait plus pour personne, et aujourd’hui on se souvenait de lui, du moins de son livre pour lui proposer l’animation d’atelier d’écriture dans des collèges classés en zone ZEP (Zone d’éducation prioritaire).

Il faut répondre vite, alors il répond vite, et par l’affirmative, c’est toujours mieux que le RMI et les stages de l’ANPE dont il en a ras le bol de souper au fil des jours.

LES ATELIERS…


Chefdeville arrive dans une classe de SEGPA de quinze élèves difficiles dont le vocabulaire est loin de ressembler à nos habitudes communes. Celui-ci est limité à la simplicité, agrémenté de vulgarité qui, là, ne manque pas de tournure.
Les SEGPA accueillent des élèves présentant des difficultés scolaires graves et durables. Ils ne maîtrisent pas toutes les connaissances et compétences attendues à la fin de l'école primaire. La SEGPA est organisée en divisions avec un nombre d'élèves situé aux environs de 16. (source : eduscol.fr)

Le professeur de lettres reste présent durant la séance d’atelier d’écriture. Les débuts s’annoncent tortueux. Chefdeville en est le spectateur hébété, se demandant ce qui a bien pu le pousser à accepter ce rôle : « J’étais dans les dispositions d’un mec prêt à rendre son tablier avant même de l’avoir déplié. Ca m’aurait au moins appris à ne pas aller contre ma nature, en briguant une place qui correspondait à tout sauf à ce que j’étais. »

Après maintes disputes et autres vulgarités en tous genres entre les élèves, l’atelier réussi enfin à vraiment commencer mais pour peu de temps puisque la sonnerie retentit, indiquant la fin de l’heure. Les élèves, en bons individus mal élevés, quitte la salle de classe sans autre regard, ni aucune formule de politesse. Chefdeville est content d’avoir achevé ce moment de turbulences et de quitter ce lieu en perdition.

Dans la continuité, il décide de rompre avec Sylvie, son amie. La monotonie s’était installé entre eux : « On trinquait du nombril, et même si ça baignait tous les deux, cela ne suffisait pas. Je n’y trouvais pas mon compte, je n’y trouvais pas mon équilibre et, surtout, je m’emmerdais. » Sans être la cause première à cette rupture, son fils n’y était cependant pas étranger. Il tournait mal, ayant choisi les chemins de la délinquance. Insultant sa mère et faisant les poches ainsi que toutes les frasques faisant « honneur » à ce rang : Son fils était une racaille avec un pois sauteur du Mexique à la place du cerveau. »

CLASSES DIFFICILES…


De collèges en ZEP, de SEGPA en classes difficiles, Chefdeville est confronté à la misère scolaire d’un enseignement perdu pour des élèves encore plus noyés dans un « je m’en foutisme » évident. Il essaie tant bien que mal, plus mal que bien d’ailleurs, d’assurer ses ateliers au prix d’efforts surhumains. Face à des gamins désillusionnés, il désespère quelque peu, l’animateur ! Ces gamins « devant leurs jeux vidéos, ils explosaient leurs scores aussi vite que leurs neurones. A l’âge d’apprendre à lire, ils avaient déjà grillé la moitié de leurs cartouches. Difficile ensuite de leur inculquer du vocabulaire, ils n’arrivaient pas à imprimer. »

Près d’une année aura eu raison de la patience de Chefdeville. Une année où le narrateur est confronté à la réalité de ces classes difficiles où l’enseignement ne parvient pas à garder sa place légitime.

Ce roman nous ouvre les portes d’un univers sur lequel nous fermons les yeux mais qui est au demeurant bien réel. Percutant, il choque, nous interpelle dans notre petite éducation bien élevée. Le monde renferme plusieurs mondes. Celui-ci en est un parmi d’autres.

Le ton de ce roman est brut, virulent, voir sarcastique, parfois à la limite de la vulgarité.  On sourit de l’épopée de l’auteur tombé dans la cuve de la délinquance en spectateur désabusé mais aussi de l’humour que l’on rencontre avec plaisir dans la narration.

Ce roman nous offre un aperçu, s’il en faut, des classes d’élèves en difficultés.
Le verbe est parfois virulent, mais l’humour est bien présent.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : L’atelier d’écriture
Auteur : Chefdeville
Couverture : Amélie Doistau
Editions : Le dilettante
ISBN 13 : 9782842631659
Prix : 17,00 euros

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