Pas si seul, Pierre-Yves Bolus
Si les Éditions Quadrature,
maison d’édition belge, ont fait de la nouvelle leur ligne éditoriale, je l’analyse
ainsi.
Lire des nouvelles est
particulièrement plaisant dans la mesure où c’est relativement rapide et dans
certains cas plus léger à lire que des romans. Bien que ces deux types de lecture ne soient pas comparables ni antinomiques, dans leur brièveté, elles sont plus
digestes parfois, plus rapides à parcourir et à appréhender lorsque nos temps
de lecture se restreignent au quotidien. Elles demandent souvent aussi moins d’efforts.
Encore que, quand elles incitent à la réflexion, c’est moins certain.
Donc, lecture plus flexible
contrairement aux romans où parfois les chapitres peuvent s’étendre plus que le
temps qu’on a à leur allouer sur le moment, surtout pour les lecteurs empruntant
les transports en commun.
Par ailleurs, dans les
nouvelles, le plaisir est plus immédiat, car en très peu de pages, nous avons
une construction, certes moins détaillée que dans le roman, mais offrant malgré
tout un début, un développement et une fin. De la même manière, avec des
recueils de nouvelles, on se trouve face à une diversité quant aux thèmes
abordés, aux ambiances, ou encore les saisons, les styles et les personnages
différents de l’une à l’autre. Dans ce genre de lecture, on traverse un éventail
d’univers diversifiés. Et comme les nouvelles sont courtes, elles imposent de
la concentration, de l’attention rendant la lecture plus intense.
Enfin, lire des recueils de
nouvelles offre une variété de textes qu’il est aisé d’abandonner plus
facilement sans remords pour passer au suivant sans avoir le sentiment de
véritablement abandonner la lecture ou son auteur. On ne peut pas tout aimer
non plus !
Mon avis : alterner les
lectures entre recueils de nouvelles, de poésies, de pensées et romans. Chacun aura
sa particularité, mais tous recèlent et concentrent des points positifs.
« Pas si seul »
À travers « Pas si seul », je découvre Pierre-Yves Bolus, son auteur. Ce recueil de nouvelles
n’est pas son premier ouvrage, mais c’est le tout premier paru aux éditions
Quadrature. Sur la quatrième de couverture, on peut lire que « Pierre-Yves
Bolus a un faible pour Bruxelles, mais s’en échappe volontiers », mais
aussi qu’« il aime observer les oiseaux et les gens qui passent, écrire à
l’aube et marcher en forêt. Le reste à moins d’importance ».
Pour en savoir plus sur
l’auteur :
Avant ce recueil de nouvelles,
pour les intéressés, il est l’auteur primé d’un des textes du collectif
« À basse température » regroupant les nouvelles retenues lors du
Grand concours de nouvelles 2020 de la Fédération Wallonie-Bruxelles de
Belgique, organisé par le Service général des Lettres et du Livre de Belgique. Primé
pour sa nouvelle « C’est quelque chose qui se répand » le jury déclare
« La personnalité du narrateur se
reflète dans la langue et le rythme des phrases. La nouvelle dégage une
sensation de vie âpre, de récriminations, mais aussi de vrais éclats de poésie.
Une superbe écriture, érudite, mais sans condescendance. »
Il est également l’auteur de
« Ce qui arrive à pied » publié chez « L'harmattan ».
Dès les premières lignes de
« Pas si seul », j’ai été enthousiasmée par les mots qui s’enchaînent
sans la moindre lassitude. Certains passages, outre le plaisir de la lecture,
mènent à la réflexion, à l’exemple de « Il suffit de regarder longtemps. [...] J’ai regardé, comme ça, pour
poser les yeux quelque part. J’ai fouillé à l’intérieur de moi ». Il y
a l’homme étranger qui est envoyé au dernier étage pour nettoyer le bureau du
patron, tâche initialement réservée aux femmes, tout en étant respectueux des
convenances préconisées dues au rang du monsieur : « Faire ce qu’on me dit, comme on me le dit,
c’est ce que j’avais toujours fait... », s’installe alors une petite
proximité entre l’homme et le patron, une faible connivence. Ce dernier lui
apprend alors une chose essentielle, « Regarde
bien [...] Regarde la ville, les lumières de la nuit, toute cette vie cachée... »
L’homme étranger est attachant.
Puis, changement de décor avec
« Le pouvoir des roses » qui nous conte le périple d’un homme ayant
trouvé un bouquet de roses rouges avec « tout autour, un mica, un cellophane, un plastique, il ne sait pas vraiment comment
on dit. De ceux qui font du bruit quand on les froisse ». Ensuite, on
se laisse porter sur le fil d’un épisode de vie de « La princesse de
Ribancourt ».
Au fil des lignes comme dans
« Le théâtre des certitudes », nous sommes tentés de suivre les
questionnements du narrateur qui nous incite à une certaine dose de réflexion
quand il dit : « Où sont les
espoirs et les idéaux de ma jeunesse... », une pensée que chacun est
amené à avoir à un moment donné. Et que face à la scène qui se déroule devant
son regard, il admet que sa « colère
est contenue toute à l’intérieur, mais elle est prête à éclater. »
Puis, à force d’écouter ce monde qui l’entoure à cet instant, il comprend une
chose en ces mots : « Mes
convictions se sont effondrées, les idées reçues dégringolent les marches et s’en
vont en courant », ce que nous pouvons souvent réaliser nous-mêmes.
J’ai été particulièrement
touchée par la nouvelle titrée « Je l’aime à mourir » rythmée aux
paroles de la si célèbre chanson de Francis Cabrel. Ici, le personnage
narrateur prend soin de l’amour de sa vie touché par Alzheimer, de son prénom
Alois qui n’est pas de bon aloi de rencontrer quand sait les ravages qu’il
provoque. Elle prend soin de lui sans oublier « cette chanson, en filigrane, comme un souffle de vie » qui a
toujours fait partie de l’union depuis le premier jour, « une vie entière tenue et rythmée par une
chanson ».
La lassitude ne vient toujours
pas ! Tant mieux si elle fait l’école buissonnière, ça rend la lecture
apaisante, et le style est particulièrement agréable à lire. Tant et si bien
qu’arrivé à la fin, on se dit qu’on est déjà au bout de ces vingt-trois
nouvelles qui se suivent pour assouvir notre besoin de lecture.
Et si à la toute fin, on est un
peu triste de tourner la dernière page parce qu’on aurait aimé en avoir un peu
plus, nous voilà tout même comblé d’avoir parcouru cet ouvrage !
Quelques phrases relevées au
cours de ma lecture :
- « Où sont les espoirs et
les idéaux de ma jeunesse... »
- « Mes convictions se
sont effondrées, les idées reçues dégringolent les marches et s’en vont en
courant. »
- « Les faits du présent
sont plus convenus que les souvenirs. »
- « Peut-être que c’est ça
la mémoire, la capacité d’oublier, ou de reconstruire des décors conformes à ce
qu’on a envie de garder. »
- « La frontière entre la
mémoire et l’imagination est tenue, peut-être que les souvenirs sont surtout
des inventions. À force de répéter, de ranimer, d’épiloguer, vous avez fini par
créer une nouvelle histoire. »
- « Pourquoi le cerveau n’imprime-t-il
que des choses futiles ? Comme les mauvaises herbes dans un jardin
paysagé. »
Marie BARRILLON
Prochainement, je publierai l'entretien d'auteur avec Pierre-Yves Bolus
Informations sur le livre :
Titre : Pas si seul
Auteur : Pierre-Yves Bolus
Éditions : Quadrature
ISBN : 9782931080566
Prix format papier : 18 €
Prix format Ebook et Kindle : 9,90 €
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