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jeudi 20 septembre 2012

La grande île

"En fait, j’avais compris très tôt que nous n’étions pas, que nous ne vivions pas comme tout le monde. Je l’avais deviné dès le premier jour où j’avais dû partir à l’école, conduit par ma mère qui, sur le chemin, m’avait paru aussi malheureuse que moi. Je devais avoir six ans, et je n’avais connu que le monde de Charles, d’Albine et de la rivière. Je ne savais rien, ou pas grand-chose, de ce qui existait ailleurs, mais je le redoutais d’instinct. En tout cas, cette montée vers le village, ce matin-là, demeure dans ma mémoire empreinte d’un refus violent et désespéré." Extrait du livre


La liberté...
Comme à son habitude, Christian SIGNOL nous offre un voyage à travers la vie de ses personnages au siècle dernier au fil des pages. Une échappée tendre de l’enfance et de la fuite du temps qu’on ne regarde pas s’éloigner, tant les personnages semblent heureux. 

Vivant de liberté absolue : "ils s’aimaient comme on s’aimait avant dans ces confins où les rivières, la terre et le ciel dominaient les vivants, c’est-à-dire d’instinct. De ces amours éclairés par la beauté du monde et dont l’éclat ne ternit jamais".

Par la voix de Bastien, nous (re)découvrons ce que fut son existence et celle de sa famille dans une campagne reculée de Dordogne. De ces contrées dont, de nos jours, il ne reste presque rien, de tous ces espaces disparus que les hommes au fil des décennies n’ont pas su préserver.

À travers Bastien, nous percevons quel fut le bonheur de toute cette famille à l’écart de tout malheur. À l’écart même du monde en général, pratiquement en autarcie. Charles, le père, ayant toujours veillé au bien-être de tous : "La paix profonde du jour reposait sur la terre, abolissant le temps".

Il tend à nous rappeler combien il est important et nécessaire de prendre soin des siens, parce que la vie n’est finalement que la vie et que comme le temps, elle passe… et même très vite : "C’était encore l’époque où la menace du malheur ne faisait qu’embellir le bonheur de nos vies".

Rien n'est éternel... pas même le bonheur !

Mais, le bonheur est parfois fragile malgré tous les efforts qu’on met à le préserver et le destin vient mettre son grain de sel pour éparpiller les moments de ce bonheur tant chéris : "Il faut donc creuser le ferment de la mémoire, y incruster le meilleur de l’existence pour être sûr de ne pas l’abandonner derrière soi".

On notera le rapport inconditionnel que porte l’auteur à la famille, dans cet ouvrage comme dans les autres. Un peu comme un besoin, peut-être, et qui nous charme profondément. Ces critères demeurent la terre, la famille, l’amour de l’autre et des autres, la nostalgie du temps passé, avant que les générations suivantes abîment nos campagnes magnifiques.

Là encore, au fil des chapitres Christian SIGNOL, nous fait don de ces merveilleuses phrases dont il a le secret immuable et qui ne varie jamais d’un livre à l’autre. Une plume majestueuse et pleine de constance. Il n’a pas son pareil pour décrire les paysages et nous permet en fermant les yeux de nous y retrouver.

Chaque livre est une découverte certaine vers un plaisir assuré, un voyage inévitable. Chacune des descriptions de l’auteur est une explosion de senteurs, de saveurs, de couleurs… de bonheur, tant la nature y est décrite avec splendeur. La lecture y est si aisée qu’elle apporte un véritable moment de détente dans une fluidité remarquable et presque poétique.

Inutile de réfléchir quant au titre qu’a choisi cet auteur, car aucune déception n’en résultera. Lorsqu’on en a lu un, il est indéniable qu’on sera envahi par le désir de lire les autres. Difficile de sortir de « La grande île » sans peine. Impossible de ne pas l’achever, ce serait un sacrilège !

 
Quelques phrases relevées au cours de ma lecture :

- "Il a toujours été économe de ses gestes comme de ses joies, peut-être parce qu’il savait qu’elles nous sont mesurées."

- "Il savait que le froid de l’hiver fige délicieusement les images du bonheur."

- "C’est sans doute parce qu’ils étaient tellement différents qu’ils s’aimaient comme ils s’aimaient."

- "Il est vrai que les enfants espèrent toujours le meilleur, au contraire des hommes auxquels la vie a enseigné à se méfier – du moins les enfants qui vivent dans la beauté du monde sans avoir jamais connu la brûlure du malheur."

- "Il faudrait faire davantage attention au regard de son père tant qu’il est là, près de soi. Mais qui prend le temps de soupeser cette reconnaissance, ces remerciements muets de seulement exister ? Enfant, on ne sait rien de tout cela, et quand on l’a appris, il est bien trop tard, car le regard du père est tourné vers la mort et non plus la vie."

- "J’ai toujours eu la conviction qu’à l’heure de disparaître tout ce qui est oublié est perdu, et tout ce qui est emporté, au contraire, est sauvé."

- "Tout ceux qui n’oublient pas se retrouvent."

- "La cruauté d’une absence peut venir à bout de notre énergie à vivre."

- "Plus ce monde est devenu grand, et plus il est devenu difficile à défendre."

- "Ce n’est pas la grandeur du monde qui importe, mais l’écho qu’il éveille en nous."

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Editions : Le livre de poche
ISBN 13 : 9782253117513
format broché : 16,00 €
Prix Livre de poche : 5,40 €
Prix Kindle : 4,99 €
Format broché d'occasion : 2,00 €

1 commentaire:

  1. Lecture en cours et je te rejoins à 200% ds ton ressenti !
    Un vrai régal ♥
    Biz

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