"La vie moderne… c’est comme un train qui roule et qui accélère peu à peu. Les passagers ne s’en aperçoivent pas et pourtant ils avancent de plus en plus vite… Vers où ? Moi aussi Edmond, je me pose la question et je n’ai pas la réponse… Je crois que personne ne l’a et que tout le monde s’en fiche ! Les gens doivent se dire qu’il ne faut pas s’inquiéter de la destination du train puisque de toute façon il faudra en descendre un jour, comme toi. Alors ils vivent, ils ne se posent pas ces questions qui les embêtent et qui leur fait perdre du temps." Extrait du livre
LA VIE ET SES ROUAGES…
"Tiens, bouge pas que je t’arrange un peu la dalle ! Tu vois, ces deux vases en étain, c’est cher mais ça fait de l’usage ! Ils ont au moins deux ans et ils sont comme neufs !" C’est ainsi que commence la journée de Lucienne.
Une visite à son défunt mari à qui elle raconte les potins du village : "Toujours à sa fenêtre, la mère Mouchis, à croire qu’elle compte les gens qui passent. On la mettrait dans un pré avec une clôture et des trains qui passent de temps en temps, je suis sûre que ça lui ferait une belle vie."
Quoi faire lorsqu’on n’a plus personne, ni même sa moitié et que la vie n’avance plus qu’au ralenti comme pour nous faire compter les secondes qui s’égrainent sur l’horloge du temps ? Lucienne s’occupe comme elle peut, et puis compter ces fameuses secondes sur l’horloge du temps, ça ne lui ressemble pas. Pas gâteuse notre Lucienne !
Dès les premières pages, on a envie de s’accorder à son pas pour une balade dans le temps… dans son temps à elle. Des les premiers mots, on a l’impression d’entendre ses intonations. Elle nous paraitrait presque familière… Lucienne.
On ne la connait pas certes, on la découvre et pourtant on pourrait penser qu’elle est là, quelque part, en nous peut-être mais en tout cas pas très loin, à attendre qu’on la suive pour un petit bout de chemin. Et pour cause ! Lorsque l’on observe ces personnes, elles ont un petit quelque chose qui fait qu’on les retrouve les unes dans les autres.
Un petit air de "ressemblance". Ce petit quelque chose qui nous donne envie souvent de les protéger, de les servir, de les… aimer, tout simplement.
POUR UN PEU DE TENDRESSE…
Lucienne est attachante dès le début de ce livre malgré son franc-parler, souvent drôle par ailleurs : "Je n’aime pas les vieux ! Ils m’énervent, ils puent… même quand ils sont propres et parfumés […] Je n’aime pas les résignés qui attendent la mort, tremblants sur leur chaise… je n’aime pas non plus les joyeux qui font semblant d’être bien…"
Pourtant, elle est consciente et le dit qu’elle est vieille, elle aussi. Elle ne se voile pas la face ! Mais voilà, Lucienne, elle a ses idées. Mignonnes idées en définitive !
On ne trouvera pas une seconde d’ennui à ses côtés. Effectivement, on a plaisir à rester auprès d’elle et désirons que cela dure encore et encore. Elle pourrait être notre grand-mère après tout ! Et puis, le temps avance, elle nous conte sa vie qui n’a pas toujours été très gaie, on s’attendrit encore un peu. Lucienne ! Notre pas s’accorde toujours au sien, n’est-ce pas là l’essentiel.
Elle règle ses comptes avec la vie qui ne l’a pas épargnée, tant blessée parfois : "J’en ai assez de subir la volonté des autres ou celle des événements."
Elle les règle aussi avec Edmond qui est au repos dans sa tombe qu’elle entretien jour après jour : "C’est pas parce qu’il y a beaucoup de fleurs sur une tombe que celui qui est dessous est plus aimé !"
Et puis, elle règle son plus gros compte avec le tracteur qui a tué son Edmond. Ce tracteur qui est encore là, dans le chemin à la narguer comme une tache dans son paysage pour lui rappeler que plus rien ne sera comme avant et pour rendre encore plus triste ce qui lui reste de vie : " Je ne veux plus qu’on décide pour moi, je ne veux plus qu’on me traite comme une quantité négligeable, comme une vieillerie dont on n’a rien à faire."
QUAND L'ÂGE NE RIME PAS AVEC FOLIE…
Puis, elle se dévoile un peu plus en nous parlant de son amnésie qui lui a fait perdre de vue ses jeunes années. Des bribes de souvenirs reviennent de loin, très loin.
Des bribes, puis des pans entiers : "C’est à croire que mes souvenirs sont restés intacts pendant toutes ces années… Ils n’ont pas servi alors peut-être qu’ils ne se sont pas usés…"
Qu’est-ce qu’on aimerait la serrer dans nos bras Lucienne, la chérir un peu, lui donner de la tendresse qu’elle n’a plus parce qu’il n’est pas normal qu’après toute une vie on se retrouve seul à parcourir ce qui en reste, surtout lorsque le temps paraît si long : "C’est bizarre ça !... La pendule est au moins deux fois plus grande ici que dans l’autre bâtiment… c’est peut-être que le temps qui passe est très important pour les vieux et sans importance chez les fous… quand on est fou, on ne vieilli pas !"
Cependant, Lucienne est loin d’être folle. Sa tête est bien présente avec toute la conscience et la lucidité nécessaires pour ne pas perdre pieds : "C’est ma vie qui est un poème !"
Lucienne comme une perle dans un monde qui en manque. Un roman à lire sans concession, sans modération mais surtout à lire avec la tendresse du cœur pour en savourer chaque moment car soyez sûr qu’ici le regard seul ne suffit pas.
Allez chercher Lucienne, chers amis lecteurs et emmenez-là avec vous quelques instants, vous ne le regretterez pas le quart d’une seconde !
Elle est mon gros coup de cœur et sera peut-être également le vôtre.
Marie BARRILLON
Informations sur le livre :
Titre : Lucienne
Auteur : Jean-Michel BERARDI
Editions : Editions du Puits de Roulle
ISBN : 9782919139248
Format broché: 15 €
Format Kindle : 7,49 €
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