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lundi 8 décembre 2025

Entretien avec Pierre-Yves Bolus

À l’époque où j’ai créée la revue 100 % Auteur, j’organisais des entretiens d’auteur. Puis, après quelques années, j’ai fermé cette petite revue et l’association du même nom. Depuis, je continue à réaliser mes chroniques de lecture, mais dans mon esprit ce n’est pas suffisant, je reprends désormais mes entretiens d’auteurs avec ces derniers, s’ils et quand ils le souhaitent.

Questions à Pierre-Yves Bolus pour lentretien dauteurs faisant suite à la chronique sur le recueil de nouvelles « Pas si seul » de lauteur paru aux éditions Quadrature.

Bonjour Pierre-Yves Bolus. Après avoir lu votre ouvrage, jaimerais en savoir un peu plus sur lauteur que vous êtes, tout comme assurément les lecteurs.

Marie B : Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire « Pas si seul » ?

Pierre-Yves Bolus :

Les nouvelles reprises dans le recueil Pas si seul ont été écrites entre la fin du confinement et 2024, la plupart sont nées lors d’atelier d’écriture, avant de mûrir en réécriture. Ce sont des instants de vie, une plongée dans la vie des autres, elles parlent de la vie de ceux que l’on croise dans le tram ou ailleurs, elles parlent de notre regard sur les autres.

Marie B : Les lecteurs sont souvent curieux de découvrir leurs auteurs autrement qu’à travers leurs ouvrages. Doù vous vient ce goût pour l’écriture ?

Pierre-Yves Bolus :

J’ai toujours aimé écrire, j’ai toujours voulu écrire, malheureusement la vie ne laisse pas toujours le temps. Depuis mes 20 ans, j’ai gardé à l’esprit qu’un auteur que je lisais beaucoup à l’époque, Henri Bauchau, s’était mis à écrire sur le tard, passé 40 ans. Alors un peu avant d’atteindre les 50, je me suis dit qu’il était temps et j’ai décidé d’organiser ma vie pour me donner du temps de qualité pour écrire. On observe le monde, les gens, leur vie et on a envie de partager des sentiments ou des expériences, de dire des choses, de se cacher derrière des personnages pour partager sa vision du monde, ses peurs et ses désirs.

Marie B : Quelle part tient l’écriture dans votre quotidien ?

Pierre-Yves Bolus :

J’essaie d’écrire tous les matins, au moins deux heures à l’aube, mais je dirais surtout qu’écrire c’est réécrire, un premier jet jaillit souvent assez facilement, mais ce n’est qu’après cette irruption que démarre le vrai travail.

Marie B : Est-ce plus un passe-temps, telle une occupation de loisir, ou plus particulièrement une réelle passion ?

Pierre-Yves Bolus :

C’est une réelle passion et je souhaite me donner le temps d’y consacrer encore davantage d’énergie.

Marie B : Pensez-vous qu’une vie sans l’écriture vous serait possible ?

Pierre-Yves Bolus :

Eh bien, pour être tout à fait sincère, je pense que non, écrire est tout aussi vital que de randonner en forêt ou de manger. Dans notre monde de fou, j’envisage l’écriture comme une soupape pour libérer le flot de pensées pollué par l’air du temps. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas anodin si tant de gens se mettent à écrire de nos jours.

Marie B : Suivant les uns et les autres, les méthodes de travail sont assez différentes. Établissez-vous un plan de travail ou écrivez-vous plutôt à linstinct en suivant les pas que votre inspiration vous impose ?

Pierre-Yves Bolus :

Je ne sais plus qui a dit qu’en matière d’écriture il y avait les architectes et les jardiniers, je suis plutôt de ces derniers. Le premier jet est toujours à l’instinct, je ne sais pas où je vais, je plante, je laisse pousser, je laisse les mots s’aligner, les phrases couler. Parfois, ça ne marche pas, ça ne débouche sur rien, parfois après 6 ou 7000 signes les choses se débloquent, le sens se montre à voir. C’est bizarre, car à chaque fois, je suis persuadé que ça ne mènera nulle part et pourtant, il y a toujours quelque chose qui se passe. Ensuite il faut tailler, élaguer, le vrai travail de jardinier commence.

Marie B : Y a-t-il une citation que vous affectionnez particulièrement ? Si oui, laquelle est-ce ?

Pierre-Yves Bolus : « Il faut encore avoir du chaos en soi pour enfanter une étoile qui danse » Friedrich Nietzsche. » 

Marie B : Et pourquoi celle-ci précisément ?

Pierre-Yves Bolus :

Elle résume parfaitement la manière dont j’envisage le travail d’écriture.

Marie B : Pour mieux nous imaginer l’auteur qui est en vous, est-ce que comme nombre dauteurs, vous avez des « petits trucs » bien à vous, des « petites manies », des rituels, voire des addictions par exemple un café (ou thé) à portée de main, un stylo plutôt quun autre… Avez-vous également ce genre dhabitudes ?

Pierre-Yves Bolus :

Quand je dois écrire un premier jet, j’essaie de démarrer ma journée vierge, sans avoir été inquiété par le désordre du monde extérieur, je me lève très tôt, vers 6 h, sans rallumer mon smartphone, je bois mon jus de citron et puis je m’installe à mon bureau, dans l’obscurité de la fin de nuit, avec très peu de lumière. J’allume l’ordi que j’ai débranché du Wifi la veille au soir et je laisse mes doigts tapoter sur le clavier. Si je cale, je vais vers la bibliothèque, je prends un livre au hasard, une page au hasard et je lis un ou deux paragraphes.

Marie B : Par ailleurs, que ce soit une passion, un plaisir ou un loisir, que préférez-vous écrire ?

Pierre-Yves Bolus :

J’aime écrire des instants de vie, des tranches de vie de gens ordinaires, je trouve qu’il y a tout un pan de la population qui n’est pas assez représentée dans la littérature. Ils n’ont pas le temps d’écrire, ils sont pris par leur vie, à l’usine, dans le nettoyage, dans les transports en commun, ils méritent qu’on leur donne une voix.

Marie B : Jai souvent pour habitude de dire que lon ne donne pas rendez-vous à linspiration, quelle est seule décisionnaire, qu’elle s’impose comme bon lui semble, ce qui est mon cas par exemple. Vous concernant l’inspiration, est-elle innée ou au contraire avez-vous besoin de réflexion avant dentamer un projet d’écriture ?

Pierre-Yves Bolus :

L’inspiration me vient surtout en lisant, ou en me promenant. Assis devant l’ordi, j’en ai très peu. Je prends des notes sur mon smartphone tout le temps.

Marie B : La question curieuse, sil devait y en avoir une, serait la suivante. Y a-t-il des projets littéraires en cours ? Si oui, acceptez-vous de nous en parler en quelques mots ?

Pierre-Yves Bolus :

Je travaille depuis un an sur un roman dans le genre de la littérature du réel. Je préfère ne rien en dire, par superstition, parce qu’il est en relecture.

 

Merci infiniment davoir accepté de répondre à ces quelques questions et de nous avoir offert cet échange.


Informations sur le livre :


Titre : Pas si seul

Auteur : Pierre-Yves Bolus

Éditions : Quadrature

ISBN : 9782931080566

Prix format papier : 18 €

Prix format Ebook et Kindle : 9,90 €

dimanche 7 décembre 2025

Pas si seul

Pas si seul, Pierre-Yves Bolus

Si les Éditions Quadrature, maison d’édition belge, ont fait de la nouvelle leur ligne éditoriale, je l’analyse ainsi.

Lire des nouvelles est particulièrement plaisant dans la mesure où c’est relativement rapide et dans certains cas plus léger à lire que des romans. Bien que ces deux types de lecture ne soient pas comparables ni antinomiques, dans leur brièveté, elles sont plus digestes parfois, plus rapides à parcourir et à appréhender lorsque nos temps de lecture se restreignent au quotidien. Elles demandent souvent aussi moins d’efforts. Encore que, quand elles incitent à la réflexion, c’est moins certain.

Donc, lecture plus flexible contrairement aux romans où parfois les chapitres peuvent s’étendre plus que le temps qu’on a à leur allouer sur le moment, surtout pour les lecteurs empruntant les transports en commun.

Par ailleurs, dans les nouvelles, le plaisir est plus immédiat, car en très peu de pages, nous avons une construction, certes moins détaillée que dans le roman, mais offrant malgré tout un début, un développement et une fin. De la même manière, avec des recueils de nouvelles, on se trouve face à une diversité quant aux thèmes abordés, aux ambiances, ou encore les saisons, les styles et les personnages différents de l’une à l’autre. Dans ce genre de lecture, on traverse un éventail d’univers diversifiés. Et comme les nouvelles sont courtes, elles imposent de la concentration, de l’attention rendant la lecture plus intense.

Enfin, lire des recueils de nouvelles offre une variété de textes qu’il est aisé d’abandonner plus facilement sans remords pour passer au suivant sans avoir le sentiment de véritablement abandonner la lecture ou son auteur. On ne peut pas tout aimer non plus !

Mon avis : alterner les lectures entre recueils de nouvelles, de poésies, de pensées et romans. Chacun aura sa particularité, mais tous recèlent et concentrent des points positifs.

« Pas si seul » 

À travers « Pas si seul », je découvre Pierre-Yves Bolus, son auteur. Ce recueil de nouvelles n’est pas son premier ouvrage, mais c’est le tout premier paru aux éditions Quadrature. Sur la quatrième de couverture, on peut lire que « Pierre-Yves Bolus a un faible pour Bruxelles, mais s’en échappe volontiers », mais aussi qu’« il aime observer les oiseaux et les gens qui passent, écrire à l’aube et marcher en forêt. Le reste à moins d’importance ».

Pour en savoir plus sur l’auteur :

Avant ce recueil de nouvelles, pour les intéressés, il est l’auteur primé d’un des textes du collectif « À basse température » regroupant les nouvelles retenues lors du Grand concours de nouvelles 2020 de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique, organisé par le Service général des Lettres et du Livre de Belgique. Primé pour sa nouvelle « C’est quelque chose qui se répand » le jury déclare « La personnalité du narrateur se reflète dans la langue et le rythme des phrases. La nouvelle dégage une sensation de vie âpre, de récriminations, mais aussi de vrais éclats de poésie. Une superbe écriture, érudite, mais sans condescendance. »

Il est également l’auteur de « Ce qui arrive à pied » publié chez « L'harmattan ».

Dès les premières lignes de « Pas si seul », j’ai été enthousiasmée par les mots qui s’enchaînent sans la moindre lassitude. Certains passages, outre le plaisir de la lecture, mènent à la réflexion, à l’exemple de « Il suffit de regarder longtemps. [...] J’ai regardé, comme ça, pour poser les yeux quelque part. J’ai fouillé à l’intérieur de moi ». Il y a l’homme étranger qui est envoyé au dernier étage pour nettoyer le bureau du patron, tâche initialement réservée aux femmes, tout en étant respectueux des convenances préconisées dues au rang du monsieur : « Faire ce qu’on me dit, comme on me le dit, c’est ce que j’avais toujours fait... », s’installe alors une petite proximité entre l’homme et le patron, une faible connivence. Ce dernier lui apprend alors une chose essentielle, « Regarde bien [...] Regarde la ville, les lumières de la nuit, toute cette vie cachée... » L’homme étranger est attachant.

Puis, changement de décor avec « Le pouvoir des roses » qui nous conte le périple d’un homme ayant trouvé un bouquet de roses rouges avec « tout autour, un mica, un cellophane, un plastique, il ne sait pas vraiment comment on dit. De ceux qui font du bruit quand on les froisse ». Ensuite, on se laisse porter sur le fil d’un épisode de vie de « La princesse de Ribancourt ».

Au fil des lignes comme dans « Le théâtre des certitudes », nous sommes tentés de suivre les questionnements du narrateur qui nous incite à une certaine dose de réflexion quand il dit : « Où sont les espoirs et les idéaux de ma jeunesse... », une pensée que chacun est amené à avoir à un moment donné. Et que face à la scène qui se déroule devant son regard, il admet que sa « colère est contenue toute à l’intérieur, mais elle est prête à éclater. » Puis, à force d’écouter ce monde qui l’entoure à cet instant, il comprend une chose en ces mots : « Mes convictions se sont effondrées, les idées reçues dégringolent les marches et s’en vont en courant », ce que nous pouvons souvent réaliser nous-mêmes.

J’ai été particulièrement touchée par la nouvelle titrée « Je l’aime à mourir » rythmée aux paroles de la si célèbre chanson de Francis Cabrel. Ici, le personnage narrateur prend soin de l’amour de sa vie touché par Alzheimer, de son prénom Alois qui n’est pas de bon aloi de rencontrer quand sait les ravages qu’il provoque. Elle prend soin de lui sans oublier « cette chanson, en filigrane, comme un souffle de vie » qui a toujours fait partie de l’union depuis le premier jour, « une vie entière tenue et rythmée par une chanson ».

La lassitude ne vient toujours pas ! Tant mieux si elle fait l’école buissonnière, ça rend la lecture apaisante, et le style est particulièrement agréable à lire. Tant et si bien qu’arrivé à la fin, on se dit qu’on est déjà au bout de ces vingt-trois nouvelles qui se suivent pour assouvir notre besoin de lecture.

Et si à la toute fin, on est un peu triste de tourner la dernière page parce qu’on aurait aimé en avoir un peu plus, nous voilà tout même comblé d’avoir parcouru cet ouvrage !

 

Quelques phrases relevées au cours de ma lecture :

- « Où sont les espoirs et les idéaux de ma jeunesse... »

- « Mes convictions se sont effondrées, les idées reçues dégringolent les marches et s’en vont en courant. »

- « Les faits du présent sont plus convenus que les souvenirs. »

- « Peut-être que c’est ça la mémoire, la capacité d’oublier, ou de reconstruire des décors conformes à ce qu’on a envie de garder. »

- «  La frontière entre la mémoire et l’imagination est tenue, peut-être que les souvenirs sont surtout des inventions. À force de répéter, de ranimer, d’épiloguer, vous avez fini par créer une nouvelle histoire. »

- « Pourquoi le cerveau n’imprime-t-il que des choses futiles ? Comme les mauvaises herbes dans un jardin paysagé. » 

Marie BARRILLON

Prochainement, je publierai l'entretien d'auteur avec Pierre-Yves Bolus

Informations sur le livre :


Titre : Pas si seul

Auteur : Pierre-Yves Bolus

Éditions : Quadrature

ISBN : 9782931080566

Prix format papier : 18 €

Prix format Ebook et Kindle : 9,90 €