Entretien avec Jean-Luc Le Pogam
(Les mange-rêve , Edition Palémon)
Déjà ado j’adorais écrire. Je demande humblement pardon aujourd’hui à celles qui ont dû se taper mes lettres d’amour pour tout le temps que ça leur a pris !
J’aimais aussi la poésie et sa chanson de ses vers. J’aimais les mots de Cat Stevens autant que ceux plus décousus de Neil Young. Aujourd’hui, j’aime autant les textes de Cabrel que ceux de Rammstein, d’Yves Simon, d’Arno ou de Rage Against The Machine .
100% Auteurs : D’où te vient ton genre littéraire ?
Jean-Luc LE POGAM : Je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de « mon genre littéraire ». J’écris comme je pense, comme je travaille, (c'est-à-dire sans cesse) et comme on parle aujourd'hui. Il y a dans mon écriture autant de mes influences musicales, littéraires et artistiques que de ma façon de vivre au quotidien. Je pense en fait que lorsque que l’on dit que mon style « se fiche des balises frustratrices trop souvent infligées à la littérature jeunesse par les grands penseurs, et que j’y impose une plume incisive, une écriture actuelle, directe et sans compromis tout en partageant une sensibilité exacerbée avec le lecteur… », c’est tout à fait exact : j’avoue être un écorché vif dont le stylo utilise la sensibilité comme encre et la peau comme papier. Je ne cherche pas à entrer à l’Académie Française, pas plus que je ne me positionnerai en moralisateur face au lecteur.
J’écris simplement pour des habitants de la planète terre, enfants, ados, adultes de tous âges d’aujourd’hui… et peut-être de demain.
100% Auteurs : Comment te vient une telle inspiration ?
Jean-Luc LE POGAM : De l’actualité et de tout ce qui m’effraie du futur en ce moment. Les gens qui sont dans la merde, écœurés de la politique et qui répondent au vote, unique possibilité de tout changer, par l’abstention ou en disant que « les politiciens sont tous les mêmes ». Même si ce n’est pas tout à fait faux, on peut toujours voter contre quelqu’un ou pour le moins pire ! Ceux qu’on licencie à tour de bras alors que d’autres s’en mettent plein les poches, l’éducation, la santé, la culture et tous ces décideurs qui passent leur vie à compter. Compter le temps, compter l’argent, mettre la pression, tous me fascinent.
Je suis père de deux enfants et je me pose souvent la question de savoir quelle terre on va leur laisser… mais aussi quels enfants nous allons lui laisser.
Ensuite, il y a l’inspiration par l’inconscient. Les lecteurs me le font remarquer chaque jour dans leurs courriels : l’influence constante de l’image dans mes lignes. Images de spectacles comme ceux de Royale de Luxe, Von Magnet, La Fura dels Baus mais aussi et surtout l’influence inconsciente de l’impact qu’a eu sur moi une vingtaine d’années de critique de la bande dessinée. Je n’en étais pas vraiment conscient avant qu’on me le fasse remarquer, mais je suis assez fier d’entendre dire des Mange-Rêve que c’est une bd sans images ou que certains les lisent comme on regarde un film ou on lit une bande dessinée.
Et enfin, il y l’influence de mon vécu… seul mes proches savent le retrouver dans mes livres !
100% Auteurs : Quels sont les écrivains qui ont ta préférence ?
Jean-Luc LE POGAM : Yves Simon, musicien-parolier comme écrivain. Virgil Gheorghui, André Malraux, Albert Camus, Jack Kerouac.
Par contre, il y a des livres qui m’ont vraiment marqué comme Baba sur les fesses du bon dieu de Christian Décamps, Le parfum de Patrick Süskind, Neige de Didier Convard, La mort peut danser de Jean-Marc Ligny, Juste un regard d’Harlan Coben…
100% Auteurs : Lorsque tu écris, t'imposes-tu une certaine organisation comme un plan de travail ou au contraire, t’accordes-tu une totale liberté c’est-à-dire l’écriture à l’instinct ?
Jean-Luc LE POGAM : Je suis un instinctif. Définitivement. Je ne supporte pas les figures imposées. Ça me pose parfois des problèmes d’organisation ce qui fait qu’avec le temps, j’ai appris !
Par exemple, moi qui avais le besoin permanent de travailler dans l’urgence, j’ai découvert, grâce à Jean Failler avec qui j’ai écrit Monnaie de singe, qu’on pouvait opérer autrement en matière d’écriture. Je prends maintenant le temps de coucher les mots, les laisser reposer pour les retourner et laisser reposer encore avant de les lisser enfin… C’est un peu la recette d’une bonne pâte à crêpes… On ne renie pas ses racines !
Le scénario des Mange-Rêve était écrit depuis le début de l’aventure. Il ne l’est pas jusqu’à la fin, je n’ai pu m’en séparer durant toute l’écriture de la trilogie. La fin est écrite, en désordre, certes, mais, à l’heure qu’il est, je l’ai en tête… enfin presque !
Pour répondre à ta question, je suis donc en liberté auto surveillée !!
Comme quoi, on peut être désordonné et accepter de se soigner !!!
100% Auteurs : Et au-delà de cela, as-tu des moments plus particulièrement propices à l’écriture ?
Jean-Luc LE POGAM : Oui, la nuit, sous mon grand velux quand il pleut, vente, grêle... Dans le train... Mais je peux aussi m'isoler lors d'un week-end entre amis et disparaître pendant une ou deux heures. Ils comprennent.
100% Auteurs : Après « Les mange-rêve » y aura-t-il un autre roman ? Si oui, sera-t-il dans le même registre ?
Jean-Luc LE POGAM : Mon éditeur aimerait vraiment qu’il y ait une suite aux Mange-Rêve. Je n’y avais pas pensé, mais j’y réfléchis. Pour le reste, plein d’idées sont déposées sur des morceaux de papier. Mais, encore une fois, je laisserai faire l’instinct.
100% Auteurs : L’auteur que tu es, a-t-il conservé une âme d’enfant ?
Jean-Luc LE POGAM : J’explose de rire ! Je ne m’imagine pas vivre sans ! Mes yeux, (plutôt que mon âme) d’enfant sont partout et à chaque instant pour me faire rire ou pleurer devant un film, une pièce de théâtre, un livre, les mots que j’écris, pour délirer avec les amis et la famille.
La seule différence, c’est qu’ils sont commandés par un cerveau de 51 ans avec toutes ses blessures, ses faiblesses et ses cicatrices mais aussi ses merveilleux moments passés.
Ah ! Et j’oubliais : ils sont aussi trompés par des cheveux qui grisonnent allègrement !
Ce qui veut dire que si je peux être d’une tendresse absolue, les propos ou les actes d’un con, l’injustice, peuvent me faire sortir de mes gonds très rapidement. J’en ai été trop victime étant enfant. Je suis un trauma de l’école... que j’ai tenté un temps de réinventer.
100% Auteurs : Peux-tu nous en apprendre un peu plus sur ton parcours ?
Jean-Luc LE POGAM : La question qui tue !
Tiens commençons par l’école : Si j’ai adulé certains de mes profs qui me l’ont bien rendu, j’ai été bête noire, le monstre empêcheur de tourner en rond de certains autres… qui me l’ont bien rendu aussi !
Ils ne supportaient pas qu’un élève discute et propose une interprétation différente de la leur à propos du sentiment implicite de l’auteur d’un poème. Ça se terminait souvent par un « Vous avez une imagination trop débordante, Le Pogam ! » bourré de mépris.
Et comme je ne pouvais entendre qu’ils ne le supportent pas, je ne le supportais pas non plus ! Alors, s’engageait une guerre où je n’abdiquais jamais.
Et je m’en suis toujours sorti haut la main aux examens, noté par des profs qui jugeaient non pas la personne, mais le travail fourni par un numéro.
Je détestais les math. Normal : 1+1=2. Quel ennui, il n’y aurait jamais rien à y redire !
Donc, pour résumer rapidement : Viré en sixième (accusé à tort d’avoir cassé une rallonge de table en cours de sciences nat), viré par les curés en quatrième (pour avoir refusé de donner mon âme à la maison), remercié en troisième, remercié en 1ère (voir ci-dessus la longue période dite de la « bête noire » !). Parents discrets face à leur désespoir.
Etudes en fac de droit, première bifurcation en milieu bancaire (l’horreur totale !) Puis une autre, en tant qu’attaché commercial, journalisme radios et presse écrite, attaché de presse de festivals de rock, membre du festival Quai des bulles de St Malo, enseignant, metteur en scène théâtre Jeunesse, auteur de dossiers pédagogiques, écrivain…
Chaotique mais formateur. On en rit après coup, car, comme disait Gabin, « aujourd’hui, je sais » que de toutes nos expériences, c’est le meilleur qu’il faut garder pour s’en bâtir un présent … et un futur !
Propos recueillis par Marie BARRILLON
pour la revue 100% Auteurs N°4
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