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lundi 14 février 2011

Entretien avec Nina Vivien

Entretien avec Nina Vivien
("Alcôve", Editions Edilivre)

1001 livres : "Alcôve" est ton premier livre. C’est un témoignage fort. En le lisant, on comprend le besoin que tu as eu de l’écrire. Qu’est-ce qui t’a poussée à le publier ? Voulais-tu, de cette manière, faire passer un message ? Si oui, lequel ?

Nina Vivien : J’ai écrit Alcôve sur l’espace d’une année, en 2000. A cette époque, je traversais des moments douloureux, mais nécessaires au bon découlement de mon analyse. Je commençais à accepter mon passé ainsi que mes symptômes ; mettre des mots sur des maux.
L’écriture fut pour moi la seule manière de dire les choses, la parole me manquant.
Suite à cette écriture, j’ai fait l’acte de dire à ma famille toutes ces horreurs qu’ils m’ont infligées. Leur réponse ne fut qu’un rejet de plus. Une banalisation des faits. Cette constatation et ce chamboulement intérieur m’ont entraînée vers une première dépression. J’ai donc posé dans un coin de moi « Alcôve », le temps de ma re-construction.  Il s’en est donc écoulé quelques années.

Suite à une deuxième dépression, j’ai fait l’acte de tout quitter et de m’installer loin d’eux et de ce passé, parce qu’il m’était devenu impossible de vivre près d’eux (dans la même ville) et de croiser certaines personnes qui me disaient avoir toujours su, entendu, vu, sans jamais avoir fait un geste pour me sauver. C’est donc, il y a environ deux ans que j’ai souhaité donner vie à mon récit.

Mis à part le côté salvateur d’Alcôve, c’est un cri dans la nuit qui vient briser ce silence qui parfois peut tuer. Je ne peux comprendre et accepter l’immobilisme de tous et de la société face à des actes si graves et destructeurs. Un enfant meurt tous les trois jours sous la maltraitance, quelle qu’elle soit. C’est impardonnable et condamnable ! C'est aussi un témoignage montrant que la fatalité n'existe pas, et que les enfants maltraités ne finissent pas tous par être des adultes maltraitants. Pour cela, il faut dire les choses ; mettre des mots sur des maux. Apprendre à s'accepter et à s'aimer tel que l'on est, avec nos failles, nos fragilités..., et se construire avec nos richesses intérieures. Utiliser ses forces pour vivre, et ne pas donner raison aux autres.

Je souhaite aussi apporter un certain souffle à tous ces enfants qui souffrent. Leur dire qu'ils ont le droit et le devoir de vivre et de goûter aux beautés de ce monde. Je ne peux parcourir ma vie sans penser à ces milliers d'enfants, d'adultes, qui souffrent et meurent des actes et du regard des autres. Ma vie n'aurait aucun sens, aucun intérêt. Mon vœu est qu'un jour prochain cessent toutes ces horreurs faites par Les Hommes !

1001 livres : Quels ont été tes moments les plus propices pour écrire "Alcôve" ?

Nina Vivien : Je n’ai pas eu de véritables moments, si ce n’est que j’ai écrit « Alcôve » dans une certaine urgence. Il m’était vital à cette époque de me soulager de toutes ces horribles choses. C’est ce qui m’a permis entre autres, de « guérir » de comportements autodestructeurs comme l’agoraphobie, la dépression…

1001 livres : As-tu d’autres projets d’écriture ?

Nina Vivien : Oui. En effet, je viens de terminer un autre récit ; « Le silence de Marie ». Il est tout aussi autobiographique mais différent d’ « Alcôve » au regard des années passées et de ma construction. « Le silence de Marie » commence quand j’ai échouée sur une terre inconnue ; la Bretagne. J’étais alors en congé de longue maladie pour cause de dépression. Je me suis retrouvée seule avec l’espoir de vivre enfin. Inutile de te dire que la reconstruction quelle qu’elle soit ne peut se faire sans douleurs, peurs et solitudes. C’est comme une re-naissance. Le premier cri !

J’ai souhaité aussi parler du regard que la société pose sur les êtres dit « malades », « en dehors de la normalité ». J’ai vécu cette forme d’exclusion pendant toute cette période de reconstruction, elle est encore présente aujourd’hui et le sera toujours sous d’autres formes, d’autres regards portés sur ce que j’ai pu être, ce que je suis et ce que je serai demain. « Le silence de Marie » est aussi un espoir, une histoire d’amour entre deux femmes. Marie et moi. Deux femmes qui ne se connaissent que derrière un écran d’ordinateur, mais dont leurs échanges vont êtres beaux, vrais, amoureux. Elles vont s’interroger sur leur vie, leurs attentes, leur désirs, leur peurs. Ces longs échanges m’ont beaucoup aidé à me battre. Ils m’ont donné des ailes, des ailes d’amour et de vie.

1001 livres : Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Nina Vivien : L’instant. Les autres. Tout ce qui m’entoure. Je regarde, j’écoute, de ressens, et je pose. Je crois que je suis encore une plaie ouverte. A fleur de peau. Mes émotions, mes sensibilités et mes pensées intérieures sont sans cesse bouillonnantes, vivantes. Je suis très sensible à ce qui m’entoure ; les espaces, les vides, les silences, les bruits… Ces choses me terrifient parfois et sont source de mes inspirations, de mes bouleversements. Je suis sans cesse en interrogation sur moi-même, sur les autres et sur le sens de la vie.

1001 livres : Lorsque tu écris, optes-tu pour un plan de "travail" précis ou au contraire laisses-tu libre cours à ton inspiration ?

Nina Vivien : J’écris dans l’instant. Quand je ne peux pas me poser, j’ai toujours sur moi un petit carnet où je pose un mot, une phrase qui répondent à mon ressenti. Je n’ai donc aucun plan de travail. Je suis incapable de m’en construire un, peut-être parce que je n’ai pas de véritables connaissances littéraires dans le sens « enseignement ». D’ailleurs, je ne retouche presque jamais mes mots. Ils restent fidèles à ce que je suis. Ce qui me dessert peut-être ? Mais je ne sais faire autrement. 

1001 livres : Quant à ta manière d’écrire, quelle est-elle ? Te mets-tu sur ton ordinateur ou préfères-tu commencer par le faire à la main ?

Nina Vivien : J’écris presque toujours sur des feuilles (blocs) et dans mon petit carnet. Ensuite, bien plus tard, quand tout est posé, je retranscris sur mon ordinateur en changeant très peu de choses. J’aime le bruit de ma plume sur le papier. J’aime caresser son grain, humer son odeur. C’est fou comme une feuille peut être vivante ! Elle donne vie à des mots, une histoire, une trace. Elle est le témoignage d’instants intimes.

1001 livres : As-tu des petites choses fétiches ou que tu aimes quand tu écris ? Comme une préférence de stylo ou avoir ton petit café près de toi, écouter de la musique… Des petites habitudes qui te sont bien personnelles mais dont tu as besoin ?

Nina Vivien : J’ai  besoin d’être seule, de me poser sur une table avec mon stylo plume (toujours le même) et ma bille (celle qui ne me quitte jamais). J’écoute parfois de la musique, classique ou chanson française, celle que j’aime et qui me bouscule, comme Barbara, Aznavour, Brel, Brassens, Reggiani, et bien d’autres poètes. J’aime écrire le soir, la nuit, ou quand une nouvelle aube se prépare, quand tout est calme, quand la ville dort. Je suis en, ces instants, seule avec mes émotions. Seule avec moi-même.  J’aime bien aussi parfois être accompagnée d’un verre de vin. Il m’apporte une certaine douceur, une volupté, une nudité que peut-être je n’oserai dévoiler sans lui. Mais je n’en abuse jamais ! J’aime quand le vin est bon !

1001 livres : Y a-t-il des personnes autour de toi qui seraient tes premiers lecteurs, en avant première, si je peux dire ? Si oui, que disent-ils ?

Nina Vivien : Ma première lectrice fut ma psychologue, parce qu’elle m’a accompagnée tout au long d’Alcôve, et que sa présence m’a sauvée, même si je sais qu’on se sauve soi-même, mais sa présence, son accompagnement ont donné vie à mes écrits. Ensuite, ce fut ma « famille adoptive », celle qui m’a aidée, hébergée durant ma dépression et qui m’a aussi poussée à dire les choses envers ma famille. Ils m’ont sauvé la vie. Sans eux, je ne pense pas que je serai là aujourd’hui.

Je crois qu’ils sont fiers de moi et de ce chemin parcouru. Ils m’accompagnent, même de loin, dans mon combat contre la violence, l’exclusion et dans ma volonté de dire l’indicible.
Quelques lecteurs se sont manifestés après m’avoir lue. Peu de témoignages en fait, chose que je peux comprendre parce que mes mots sont parfois loin d’être tendres. Ils peuvent bousculer, déranger même. Mais ce peu de témoignages me confortent et me donnent envie de continuer. Cela fait du bien. J’ai l’impression en ces instants de ne plus être seule.
1001 livres : Quelle place l’écriture tient-elle dans ton quotidien ?

Nina Vivien : Elle est quotidienne ! Elle est mon souffle, ma nourriture, ma pulsion de vie. Je crois qu’elle m’accompagne comme une amie. J’ai besoin de sa présence pour vivre. Lors de ma première dépression, il m’était devenu impossible d’écrire et de lire à cause de cette innommable fatigue qui m’a poursuivie pendant de longs mois. J’en ai terriblement souffert. Un terrible manque. J’étais perdue, capable de rien. Une perdition. Une fin en soi.
J’aime lire. J’ai besoin de cela. Il y a toujours à mes côté un livre qui m’attend, que je prends et que je dévore. Les livres sont des Histoires, des Métissages. Ils sont des traces, des témoignages de Vies.

1001 livres : Comment imagines-tu ton avenir littéraire ?

Nina Vivien : Je ne me dis pas écrivaine. Je suis consciente de mes possibles et de mes impossibles !  J’ai le rêve d’être un jour à l’égal de certains écrivain (e) s. C’est bon de rêver. D’ailleurs, je rêve tout le temps ! Ma vie est un rêve sans fin !

Je crois que j’ai besoin de laisser une trace derrière moi, si infime soit-elle. J’ai envie de pousser mon dernier souffle en me disant que j’ai fait ce qu’il m’était possible de faire, de dire, d’aimer. Je suis consciente aussi que mes écrits soulèvent des sujets comme la maltraitance, l’homosexualité, le sida… qui sont encore des non-dits dans notre société. Ils n’ont donc que peu de lecteurs et donc peu de chances de connaître une certaine « célébrité » !

Il est vrai aussi que j’ai du mal à me « vendre », même si ces sujets me sont importants et qu’ils sont ma sève et mes cris. Je n’aime pas m’exposer aux autres. Trop pudique peut-être. En fait,  je ne veux pas qu’on se souvienne de moi dans mes écrits. Je veux qu’ils soient un souffle, un espoir, mais aussi un cri pour dénoncer l’exclusion, l’indifférence et la violence. Tous ces actes quotidiens qui mènent à une mort certaine. Je ne peux vivre en restant silencieuse.

Propos recueillis pas Marie BARRILLON


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