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lundi 3 août 2009

Les noëls blancs

« Enfin les mots que François attendait ! Il prit la main de son père qui fit comme s’il ne s’en apercevait pas. "C’est la dernière fois, songea François, la dernière fois que je peux le faire", et quelque chose en lui se brisa, comme si son enfance en cet instant s’en allait à la manière de cette route vers sa fin, vers l’inconnu, vers ce qui ne serait plus jamais. Il en eut si fort conscience qu’il étouffa un sanglot et lâcha la main. Voilà. C’était fini. Ils allaient arriver et le monde ne serait jamais plus le même. » Extrait du livre


L’ESPOIR DU NOUVEAU SIECLE…


Dès la première page le décor est présenté. Magnifique émerveillement. Le Pradel est un hameau planté entre Corrèze et Puy De Dôme, à huit cents mètres d’altitude. Les hivers y sont rudes comme la vie. Les étés brûlants comme le feu de l’âtre.


Auguste et Elise sont les parents de trois enfants, François, Mathieu et Lucie. Ils cultivent la terre. C’est leur labeur de chaque jour, ce qui leur permet de manger à leur faim sans extravagance.  On est en 1900. Un nouveau siècle prend naissance bien loin de la facilité. Les parents cultivent une terre dont ils ne sont pas propriétaires, « une terre rude, pentue, perdue entre les forêts, une terre de montagne à bruyères et à genêts… » Ce sont des gens simples, plein de courage, honnêtes et se contentant de peu. Parce que le peu était tout ce qu’ils avaient.


À partir du mois des morts, les garçons et le père faisaient sécher les châtaignes après les avoir pelées. Ils les faisaient sécher pour pouvoir les conserver car elles allaient être l’essentiel des repas à venir. Ils tressaient des paniers avec l’osier que le père coupait à l’automne.


Dans l’arrivée de ce nouveau siècle, François espère voir une différence autour de lui, à son réveil du premier jour du nouvel an. Mais, rien n’a changé. Pas encore. Il ne constate rien. Il en est profondément déçu. La vie paraît paisible malgré la difficulté du labeur et nous sommes loin de nos facilités d’aujourd’hui. A cette époque, les enfants aidaient leurs parents dans les diverses tâches et s’amusaient de rien, et n’en étaient pas malheureux. Ce n’était pas l’ennui pour eux car ils trouvaient toujours à s’occuper. Ils exploraient la nature, couraient dans les bois, observaient le paysage qu’ils connaissaient par cœur. Pas de jeux vidéo, pas de télévision, ni de radio, pourtant ils ne connaissaient pas l’ennui.


Et puis, il y avait l’école. François adorait l’école, pourtant il fallait marcher durant trois kilomètres pour s’y rendre, mais ce n’était pas grave. Il aimait tellement les livres. Et l’hiver, c’était plus d’une heure qu’il fallait pour y aller avec une lanterne à la main parce qu’il partait avec son frère avant le lever du jour et revenait à la tombé de la nuit. L’hiver seulement, parce qu’en été ce n’était pas possible d’aller à l’école car leur père avait trop besoin d’eux à la ferme.


LA FIN DU BONHEUR…


Alors que Mathieu était solide et râblé et que « l’on devinait en lui une force tapie, un caractère décidé, une assurance. » François, lui, était le contraire et « préférait exercer son esprit que son corps. » La vie au Pradel aurait pu durer longtemps ainsi, aucun ne s’en serait plaint. Mais alors qu’il a douze ans, François sera placé comme garçon de ferme dans une famille, à une demi-journée de marche du Pradel, moyennant pécule. La ferme des parents n’assure pas un rendement suffisant pour nourrir tout le monde.


François va quitter l’école et c’est tout un pan de bonheur qui s’en va. Il avait construit des rêves qui s’envolaient brutalement, « il pensa au certificat d’études qu’il n’aurait jamais, il pensa aux contes de sa mère à la veillée, au baiser du soir, à ses folles équipées en compagnie de Mathieu, aux repas tous les cinq. » Quelque chose venait de se briser. Il allait quitter l’enfance au Pradel, pour grandir trop vite ailleurs, loin des siens et travailler. Travailler dure, « jusqu’à l’épuisement. »


Pendant ce temps, rien ne va plus au Pradel. Le propriétaire de la ferme fait tout ce qu’il peut pour chasser le reste de la famille. Le père refuse la nouvelle augmentation exorbitante du loyer, parce qu’ils ne pourraient pas payer. Ils vont devoir partir, quitter le Pradel, leur vie, leurs souvenirs. Mais pour cela, il leur faut trouver un autre fermage.


Mais, en attendant, ce soir là, l’orage commençait à gronder sur les champs. Les éclairs striaient le ciel et l’horizon était noir. Tous les quatre étaient sortis afin de rentrer le foin car l’orage leur ferait perdre la récolte qui séchait. Ils ne pouvaient pas se le permettre. Ils s’activèrent. A la dernière meule de foin « il y eut une énorme bourrasque de vent chaud et la pluie se mis à tomber vraiment. » Auguste renvoya sa femme et sa fille à l’abri, tandis que lui resta sur la charrette et que Mathieu tirait la jument pour la faire avancer, « tout à coup, un terrible ébranlement du ciel succéda à un éclair d’une extrême blancheur. »


Mathieu se retrouva brusquement au sol, se releva tout aussi vite, puis se retourna mais ne vit plus son père. « La foudre avait couché Auguste Barthélémy pour toujours sur le foin qui commençait à brûler. »


SURVIVRE PLUTOT QUE VIVRE…


À partir de là, tout devient de plus en plus difficile. La famille sera éclatée. Lucie trouvera une place de lingère. Mathieu trouvera un petit fermage pour lui et sa mère. Mais, Elise devenue de santé fragile, déclinait. François était au service militaire et bientôt se serait au tour de Mathieu. La mère était inquiète malgré le sourire qu’elle persistait à montrer. « Que deviendrait-elle quand Mathieu partirait au service militaire, si François ne revenait pas ? […] La mère n’en disait rien, mais l’idée de se retrouver seule, sans toit et sans ressources, il lui venait comme un sentiment d’injustice qui la minait. »


Mais, sur les hauteurs, le froid transperce et n’épargne personne, « Elise Barthélémy s’éteignit doucement au printemps, sans souffrir, comme la flamme d’une bougie usée. »


Mathieu que plus rien ne retient sur ces terres qui lui ont tout pris, part tenter sa chance en Algérie, « sur son livret militaire était inscrite la mention : Chasseurs d’Afrique. »


Les trois enfants devenus grands n’étaient cependant pas encore au bout de leur peine. Ce chamboulement du nouveau siècle, tant espéré, avait bel et bien commencé au Pradel et ne s’arrêterait pas là. Ce chamboulement était loin de ce que François avait aspiré au premier jour de ce nouveau siècle qu’il imaginait si prometteur. Au lieu de cela, il avait été dévastateur. Après toutes ces douleurs, ils allaient en vivre d’autres tout aussi difficiles, la première guerre mondiale, le désenchantement, les désillusions… Pourtant, ils leur fallaient survivre.


L’auteur retrace dans ce roman la vie d’une famille de paysans avec une infinie précision au siècle dernier. Les enfants sont élevés et grandissent avec des valeurs qui aujourd’hui se perdent trop souvent. Eprouvés dès l’enfance, ils en gardent tant de courage.


De nos jours où chacun se plaint de tout, comment pourrions-nous vivre ce que nos anciens ont enduré si valeureusement ?

Un livre excellent retraçant la vie de nos campagnes au siècle dernier.


Magnifiquement raconté où l’auteur nous plonge une fois de plus dans de belles descriptions, aux paysages enchanteurs.


Il nous offre le plaisir d’entrevoir la vie de nos aïeux.


Marie BARRILLON


Informations sur le livre :

Titre : Les noëls blancs
Auteur : Christian Signol
Editions : Albin Michel
ISBN 13 : 9782226116352
Format broché : 22,90 €
Format poche : 8,20 €

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