Nouveau roman : "Elles : le chemin des révélations" à découvrir, ici !

mardi 15 juin 2010

Polyarthrite d’un ange

"Durant ces deux premières années, je vivais normalement, j’avais des parents heureux, un grand frère gentil, une belle petite famille sans problème. Pas de quoi écrire un livre ! Aussi étrange soit-il, j’aime ne pas pouvoir me souvenir de cette période, car je n’avais pas encore mal. J’accepterais beaucoup moins bien la douleur si je savais ce que c’est de vivre sans elle. Pendant deux ans, elle fut une bonne locataire. Très discrète, je la remarquais à peine. Très polie, elle ne manquait jamais une occasion de me saluer et bien entendu, elle payait toujours le loyer à la date convenue."
Extrait du livre

POLYARTHRITE, PLUS QU’UNE MALADIE…

Nous nous demandons souvent, face à certaines maladies, comment les parents font pour surmonter la situation et tenir le coup. Mais, nous nous interrogeons bien moins souvent sur le comment les enfants vivent eux-même leur maladie. Comment ils l’assument. Ils en font leur combat quotidiennement de manière étonnante. Non par choix, mais par pure obligation et bien souvent sans rechigner.

C’est ce que nous raconte ici Emilie Michel, de manière spontanée,  sans prendre de gants. Mais avant cela, nous découvrons deux préfaces. La première faite par les parents d’Emilie. Ces parents qui ont vécus ce parcours difficile de leur fille et bien évidemment, avec elle. Ne sont-ils pas les mieux placés pour en parler ? Bien sur que si !

La seconde préface est écrite par Elise Chassang. Cette dernière est, comme Emilie atteinte de polyarthrite. Cette maladie est donc également son combat. Un point commun qui les unies bien qu’elles ne se connaissent pas : "Je ne connais pas personnellement Emilie, mais à travers son histoire, ma vie semble défiler devant mes yeux et je me reconnais en elle. C’est pour ce passé commun qu’Emilie a souhaité que je lui préface son livre."

Et d’ajouter, pour que nous comprenions bien ce lien qui les uni : "Nous avons la même maladie et même si la forme n’est pas commune, les blessures sont similaires qu’elles soient morales ou physique."

QUAND L’EVIDENCE EST INELUCTABLE…

Les premières inquiétudes, pour les parents d’Emilie, surviennent alors que leur fille n’a que deux ans. Pour la maman, soudain, plus rien ne semble exister. L’état de santé d’Emilie voile son ciel, "le temps s’était arrêté, comme suspendu aux lèvres d’un médecin". Lorsque le diagnostique tombe c’est l’évidence qui l’accompagne. Toute la vie de la famille va en être bouleversée, à commencer par celle de la petite. Les douleurs vont être coutumières.

Il lui faudra vivre avec parce que le choix ne s’offre pas à elle. Se battre chaque jour ou abandonner ! Voilà son seul choix ! Mais lorsqu’un enfant se retrouve si jeune confronté à la maladie, il n’y a qu’une chose qui en ressort de manière instinctive, sans aucune préméditation, c’est l’instinct de survie. Ensuite, au fur et à mesure, c’est la force de se battre envers et contre tout qui s’associe à cet instinct de survie : "La maladie nous endurcit, elle nous oblige à repousser notre seuil de tolérance de la douleur, car plus on en supporte, plus elle devient supportable".

La vie continue son chemin, d’examens en examens, de prise de sang en souffrance, jusqu’à ne plus pouvoir simplement marcher. Le petit "Ange" est torturé sans que les médecins parviennent à la soulager.

TOUT REFAIRE ENCORE ET ENCORE !

Puis le papa, militaire, est muté pour être instructeur dans une petite ville du Massif Central. Toute la famille suit le mouvement. De nouveaux médecins et tout le parcours déjà fait est à refaire. Tout est à expliquer de nouveau. Mais, les médecins, peut-être septiques, demandent à refaire tous les examens déjà pratiqués. Il y a de quoi se mettre à douter quand même les médecins doutent des examens précédents réalisés par leurs confrères. A cette époque, "le petit ange" n’a pas encore six ans et déjà tellement secoué, perturbé, charcuté, torturé dans sa chair d’une part, puis dans son âme d’enfant plein d’innocence.

Le destin ne s’arrête pas là. Il va continuer à chahuter Emilie et sa famille. Vivre avec la maladie de l’intérieur, le papa va également l’apprendre. Et les souffrances au quotidien vont durer encore et encore.

Comment parvenir à appréhender la vie, lorsqu’elle vous empoisonne autant, si tôt, et que rien ne s’arrête ? Une belle leçon de force humaine montrée par une enfant dont bien des adultes n’en ont pas une once.

SOLIDARITE FAMILIALE…

Le grand frère, de deux ans plus âgé, est très proche de la petite Emilie. Comment ne pourrait-on pas l’être : "Je lui racontais mes exploits en peinture et il faisait semblant de s’y intéresser." Ce qui montre bien la proximité de ces deux enfants et l’attention de l’un envers sa petite sœur malade. La maladie avait décidée d’être plus forte et le petit ange malgré sa force perdait son énergie à grande vitesse.

A l’âge de sept ans, une mauvaise nuit la vida complètement, pas seulement physiquement : "J’étais allongée dans les bras de maman et petit à petit je ne lui serrais plus la main non plus. […] Elle me sentait partir et elle ne savait pas où j’allais. Je n’étais plus blanche, j’étais transparente."

Les traitements ont leurs efficacités mais aussi leurs inconvénients. Souvent, ils vous soignent d’un mal d’un côté et vous abîment de l’autre. C’est ce qui se produit pour Emilie, en l’occurrence pour ses yeux. Les collyres qui étaient supposés soigner son uvéite ne la soignaient pas vraiment d’une part mais qui plus est venait "provoquer un début de cataracte de l’œil gauche". Impossible de se débarrasser du mal sans en provoquer un autre.

Au fil de toutes ses douleurs, Emilie n’accepte pas de voir sa maman souffrir et en arrive à culpabiliser. Elle grandit et de se fait, prend conscience des ravages de la maladie autour d’elle : "Maman était là, livide, elle m’avait entendu gémir et à la voir je m’en voulais un peu d’avoir tant voulu qu’elle m’entende. […] Je pense que c’est à cet instant que je compris qu’en plus d’être dure, il fallait que je le sois en silence."

Chose évidente et logique, la petite grandissant prenait conscience, outre des ravages de la maladie, de sa différence par rapport aux autres, ne comprenant pas pourquoi, elle, devait subir chaque jour et pas les autres : "J’avais le sentiment d’avoir été piégée, roulée dans la farine, arnaquée. Alors, ils avaient le choix eux ! Ils n’avaient pas mal. Alors pourquoi moi et pas eux ? Qu’avais-je fait de mal, de mauvais, pourquoi avais-je été punie dès le début…"

LE CHEMIN DES INTERROGATIONS…

Les grandes questions commençaient à affluer mais il n’y avait pas de réponses. La vie est parfois si injuste et cette injustice n’est pas toujours réparable. En tout cas, aucunement explicable. Le regard des autres prend également une place importante et désagréable. La maladie d’Emilie prend toute la place en définitive. Intérieur mais aussi extérieur. Rien ne l’apaise, pas même les nouveaux traitements : "Ma vie devenait lourde à gérer et j’avais l’impression d’alourdir celle des gens que j’aimais […] Je voulais contrôler la maladie, ne pas la laisser prendre toute ma vie, mais elle gagnait du terrain et je ne pouvait rien pour la stopper."

La plus belle victoire de cette enfant, devenue grande bien sur, outre son combat quotidien contre la maladie était de faire sourire sa mère.

Finalement, rien n’épargne la petite. Tout bascule pour se remettre en place, puis bascule à nouveau. Le combat ne s’arrête pas seulement à celui de la maladie, on s’en aperçoit constamment au fil des pages.

Nous prenons là, une grande leçon dans ce témoignage surtout lorsqu’on réalise qu’on ose se plaindre de nos petits bobos quotidiens qui ne sont rien finalement, alors que d’autres en vivent de gros, très gros, que nous ne serions peut-être même pas apte à supporter. Certains perdent les pédalent alors qu’ils ont tout, y compris la bonne santé or que d’autres tiennent la barre de leur vie très haut pour parvenir à tenir debout et tentent malgré leurs souffrances à maintenir un moral d’acier, avec des hauts et des bas, certes, mais tout de même ! Prenons-en note ! Retenons la leçon ! Ce ne sera que bénéfique.

Un témoignage fort, qui donne à réfléchir.
Un prix qui n’est pas excessif pour cet ouvrage de bonne qualité dans son ensemble

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Polyarthrite d’un ange
Auteur : Emilie Michel
Editions : Praelego
ISBN 13 : 9782813100030
Prix : 15,00 euros



jeudi 10 juin 2010

Les mémoires d'une carpe

"Pour beaucoup je sais ce livre n’a aucun sens, j’ai aujourd’hui vingt-trois ans, et voilà que ma plume a décidé d’entraîner ma main dans un voyage intérieur, peuplé de peurs, d’angoisses, et d’amour. Je ne suis pas ici pour vous faire voyager, en romançant la vie de l’aventurier que vous auriez aimé être ou encore vous raconter la jolie histoire d’amour que vous ne connaîtrez peut-être jamais. […] Mais il faut tout d’abord que chacun de ces mots viennent lentement effacer les maux qui noircissent le grand livre de ma jeune existence."
Extrait du livre

UN PASSE DIFFICILE…

Antony Hablantes est demandé par le docteur Martinot. Il ne connaît pas cet homme et s’interroge sur l’objet de cette "invitation".

Antony est écrivain, mais ne l’a pas toujours été. Il a d’ailleurs publié un ouvrage sur son passé difficile lorsqu’il était bègue. Dans ce livre, il raconte ce qu’il a vécu, y compris psychologiquement. Car, il n’est pas évident de vivre sereinement avec un handicap.

Le docteur Martinot fait appel à lui pour aider sa fille, Sandrine, qu’il n’a plus vue depuis trois ans. Elle avait disparue un jour sans prévenir. Il l’avait retrouvée dans un hôpital, confinée dans une sorte d’amnésie et ne parlant plus du tout. Que s’était-il passé dans sa vie durant ces trois années ? Toute la question est là !

Le docteur Martinot est persuadé qu’Antony Hablantes est en mesure de pouvoir aider Sandrine. Mais, ce dernier ne parvient pas à comprendre de quelle manière il pourrait le faire, dans la mesure où son passé personnel n’a rien à voir avec celui de la jeune fille.

En discutant avec le docteur Martinot, Antony découvre que les problèmes d’élocution de Sandrine sont beaucoup plus anciens que sa seule disparition. Depuis toute jeune, elle était bègue. Son père avait fermé les yeux sur son handicap : "Je n’ai jamais voulu penser que ses mauvais résultats scolaires étaient liés à son bégaiement. […] Comme un imbécile je la traitais de fainéante, de bonne à rien. Je n’ai fait que projeter sur elle durant toutes ces années les rêves d’un père plein d’orgueil."

UN RETOUR VERS LE PASSE BIEN DIFFICILE A APPREHENDER…

Sans bien comprendre ce qu’il allait pouvoir faire, Antony accepte, après réflexion, de rendre une première visite à Sandrine. Une visite qui en amènera beaucoup d’autres.
Arrivé à l’hôpital, stationné derrière la porte entrebâillée de la chambre de la jeune fille, "nul ne peut dire lequel […] souffrait le plus en cet instant précis. Elle représentait pour lui un retour vers le passé bien difficile à appréhender."

L’entrevue est de courte durée. Sur un petit carnet, Sandrine lui fait comprendre qu’elle ne comprend pas sa présence, ni ce qu’il pourrait bien faire pour elle, puisque même les spécialiste ne parvenaient à aucun résultat au vu de son état. Antony était reparti, non sans avoir tenté quelques explications qui n’avaient eu aucun effet. Sauf celui de le renvoyer à son propre passé qui, finalement, n’était pas si lointain.

Que faire, lorsque les personnes que l’on souhaite aider, de quelle que manière que ce soit, restent fermées à tous vos arguments ? Pire encore, quand la sensibilité et l’émotivité régissent l’univers de la personne en question : "Chaque jour qui passe est alors un jour de plus qui vient renforcer le pouvoir de cette méchante sorcière qui a décidé un jour de nous faire payer très cher notre grande émotivité."

En définitive, comme on dit, "il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre", et cet adage est bien plus qu’une évidence. Et dans la même logique, il n’y a pas d’être plus fermé que celui qui ne veut rien laisser transparaître.

L’ELEMENT NECESSAIRE…

Sandrine avait repoussé toute présence de cet homme qu’elle ne connaissait pas et qui était "envoyé" par son père. Son père, à priori, la source de tous ses problèmes. Mais Antony, "notre homme ne pouvait maintenant se résoudre à l’oublier. Il fallait qu’il renoue contact avec elle". C’est se qui se produit lorsque le médecin s’occupant de la jeune fille, fait appel à lui.

Décidément, tout le monde semblait persuadé qu’Antony était l’élément nécessaire à la "guérison" de Sandrine. Antony se prend effectivement d’amitié pour cette jeune femme et finalement va tenter de se rendre utile. Il venait de prendre conscience que Sandrine avait un place importante à présent pour lui : "Je ne sais pas si je peux lui être d’un grand secours, mais, elle est pour moi comme un miroir dans lequel mon visage se reflète".

Comment aider quelqu’un qui ne parle pas ? Qui semble bien décidé à ne plus émettre aucun son ? Et comment percer le mystère qui jalonne son esprit et l’empêche ainsi d’avancer vers ce qui pourrait le libérer ?

Chacun d’entre nous pouvons, à un moment donné et pour quelle que raison que se soit, être prisonnier de nous-mêmes, de notre propre esprit qui pose des barrières qui nous semble insurmontables et dont aucune porte de sortie pourrait nous paraître accessible.

LES CHOSES NE SE PASSENT PAS TOUJOURS COMME ON LE SOUHAITE !

Antony est bien décidé à ne pas baisser les bras. Il sent que Sandrine, du fin fond de ses faiblesses, a pris une place importante pour lui. Il souhaite tant l’aider, lui être utile, ne pas se sentir impuissant face à elle et le mal qui la ronge et cela sans la brusquer.

Seulement, l’état de la jeune fille ne se résume pas seulement à ce silence. Elle est également amnésique semble-t-il. Un accident, puis un coma pourraient en être la cause mais les médecins se refusent à cette hypothèse : "Nous avons la certitude que son problème est purement psychologique. C’est comme si elle refusait au plus profond d’elle de ne plus se souvenir et par cela même de ne plus parler".

Antony se torture pour Sandrine, déplorant de ne pas parvenir à lui venir en aide. Il s’est pris d’une profonde estime pour elle. Rien n’est évident ni pour lui, ni pour les médecins.
Dans le même temps, il doit partir en Colombie avec son collègue Pito pour une enquête des plus étranges. Des faits troublants vont s’y produire. Ils vont en revenir blessés après avoir été passé à tabac, car visiblement leur présence sur le sol colombien n’est pas appréciée. Rapatriés, dans un sale état, ils n’auront pu résoudre leur enquête de journaliste qu’ils sont.

Pourtant, entre cette enquête et Sandrine, Antony ne lâche rien, bien décidé à résoudre les deux. Et s’il y avait un lien entre-elles ?

De l’émotion, une belle enquête, une histoire pas si surréaliste, ce sont les ingrédients pour ce roman qui offre tout son intérêt.
Bien tournée, l’histoire ne laisse pas supposer au début qu’elle va nous emmener dans un suspense.
Un prix courant pour un roman.
Un très bon ouvrage tant par son contenu que pour sa qualité générale.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Les mémoires d’une carpe
Auteur : Robert Aveillan
Editions : Praélégo
ISBN 13 : 9782813100481
Prix : 16,00 euros



mercredi 9 juin 2010

Entretien avec Vanessa MATTIN

Entretien avec Vanessa MATTIN
("Télé-vénalité", éditions Paulo-Ramand)


1001 LIVRES : La question basic, mais qu'apprécient les lecteurs, est de toute évidence la suivante : Comment et depuis quand l'écriture a pris place dans ton univers ?

Vanessa MATTIN : Poussée par mon meilleur ami (avec qui je signe aujourd'hui mes albums illustrés), je m'y suis vraiment mise en 2002. Ecrire a toujours été un plaisir, même enfant, mais je ne me croyais pas capable de rédiger un ouvrage aussi conséquent qu'un roman. Avec quelques coups de pied aux fesses, j'y suis finalement parvenue !
 
1001 LIVRES : "Télé-vénalité" est excellent, comment en as-tu eu l'idée, bien évidemment sans en dévoiler l'histoire ? Où as-tu trouvé une telle inspiration ?

Vanessa MATTIN : Il suffit de passer 1 heure devant sa télé pour se rendre compte à quel point ce qu'on propose aux téléspectateurs est affligeant. Les concepteurs des programmes vont puiser dans ce qu'il y a de plus sordide, navrant, dégradant pour captiver la populace. Le phénomène télé-réalité poursuit son ascension vers le glauque suprême. C'était la toile de fond idéale pour me laisser aller à mon exercice favori : l'écriture sur le mode humour-cynisme-dérision. Malheureusement, je me rends compte aujourd'hui que toutes les situations que je pensais avoir fortement caricaturées ne sont pas si loin de la réalité...
 
1001 LIVRES : Quelle place accordes-tu à l'écriture au quotidien ?

Vanessa MATTIN : J'essaie de jongler au mieux entre ma vie professionnelle, mon rôle de maman et ma passion pour l'écriture. Mais je reste frustrée d'avoir si peu de temps à consacrer à l'écriture, je rêve d'en faire mon activité à temps complet !
 
1001 LIVRES : Sans nul doute, les lecteurs vont aimer "Télé-vénalité" qui est ton second roman. Quels sont tes projets pour l'avenir, un autre roman ?

Vanessa MATTIN : Pour le moment, je me consacre à la littérature enfantine. Mon petit dernier (la vraie nature du petit Paul Hueur) est sorti en février aux éditions Laura Mare et je suis en pleine promo avec Rodolphe Hartig, mon ami illustrateur. C'est surprenant de constater comme l'accueil d'un album illustré est différent de celui d'un roman. Le public est beaucoup plus ouvert et réceptif et les enfants sont ravis de pouvoir rencontrer les auteurs. Nous allons donc poursuivre cette aventure quelque temps avec plusieurs ouvrages, puis je reviendrai au roman car je fourmille déjà d'inspiration !
 
1001 LIVRES : Ces temps-ci quelques œuvres sont adaptées au cinéma, personnellement j'y verrais bien "Télé-vénalité" (pourquoi pas !), quelle serait ta réaction si une telle proposition t'était faite ?

Vanessa MATTIN : Je serais littéralement folle de joie, comblée ! J'imagine l'exaltation d'un auteur lorsque ses personnages et son récit prennent vie de cette façon. Mais j'aurais également une légère appréhension sur le résultat final, souvent, les films ne restituent pas l'âme des romans, propres à leurs auteurs.
 
1001 LIVRES : Outre l'auteur et sans entrer dans ton intimité, quelle personnalité ressort de la femme qu'est Vanessa Mattin ?

Vanessa MATTIN : Difficile de s'auto-juger ! Je pense que ce serait la simplicité, la joie de vivre et de partager, l'auto-dérision, la lucidité.
 
1001 LIVRES : En dehors de l'écriture, tu es certainement une lectrice assidue comme nombre d'auteurs, quel genre de lectures affectionnes-tu particulièrement ? Y trouves-tu de l'inspiration ?

Vanessa MATTIN : Je lis effectivement beaucoup. Je n'affectionne pas un genre en particulier, du moment que c'est bien ficelé et bien écrit, j'aime le polar, le roman-comédie, les témoignages... Je ne pense pas y puiser de l'inspiration mais parfois de bonnes leçons ! Il m'arrive de refermer des livres en me disant "wahou, j'aimerais vraiment savoir manier la langue de cette manière, quel talent !" Muriel Barbéry me fait cet effet-là par exemple, quelle plume ! Bon il m'arrive aussi de les refermer en pensant "Quelle daube, comment peut-on publier un truc pareil !".
 
1001 LIVRES : Pour finir cette petite torture (sourire), et même si nous imaginons ta réponse, pourrais-tu, à présent, concevoir ta vie sans l'écriture ?

Vanessa MATTIN : Oh que non ! J'y prends tant de plaisir que ce serait la dépression assurée si je devais arrêter ! Et puis il me reste encore tellement de choses à expérimenter dans ce domaine que j'en ai pour une vie entière à concrétiser tous mes projets !
Merci beaucoup pour cette sympathique torture !!


Propos recueillis par Marie BARRILLON



Télé-vénalité

"Auparavant, pour résoudre la plupart des tracas du quotidien, il suffisait d’aller consulter sa bonne grand-mère afin de connaître son "truc" pour en venir à bout. Aujourd’hui, Mamy est bien trop occupée à surfer dans les rouleaux biarrots avec ses potes retraités pour répondre à notre détresse. Si bien qu’on a plus qu’à surfer à notre tour, sur le net cette fois-ci, pour tenter de dompter les doutes qui nous assaillent. Pire, on peut se contenter de s’avachir devant le petit écran qui s’est considérablement "enrichi" de moult émissions de téléréalité censées nous apprendre comment élever notre progéniture ou tout autre mammifère quadrupède, quoi mettre dans nos assiettes…"
Extrait du livre

LE CHANGEMENT…

La lecture de "télé-vénalité" commence par un prologue assez amusant où nous retrouvons le ton assez décapant de l’auteur.

Christine Poirier décide du jour au lendemain de changer littéralement de profession et même pratiquement de vie. Elle est posée et pourtant dans sa tête un déclic se fait. Elle est "une jeune quadragénaire encore pleine de fougue et d’illusions" et pourtant : "J’étais prête et disposée à offrir mon aide précieuse aux pauvres hères en quête d’équilibre".

Branle bas de combat, local commercial loué, formalités administratives effectuées et voilà Christine Poirier prête à affronter son nouveau job. Un nouveau challenge ? Peut-être bien ! Après tout, il n’est pas donné à tout le monde d’avoir le courage de prendre autant de risques la quarantaine abordée : "Un revirement si radical à mon âge représentait un risque non négligeable et il m’était impossible de ne pas cogiter sur le bien fondé de ma décision."

La première cliente à demander de l’aide à Christine est une femme d’une soixantaine d’années qui ne sait pas dire non et se voit continuellement envahit par toutes sortes de démarcheurs et de leurs objets en tous genres. Comment faire dire non à cette femme pour qu’elle ne se fasse plus déposséder de son argent contre des produits sans aucune utilité pour elle.  Le travail ne sera pas évident pour Christine qui y mettra du punch. Et il le sera encore moins pour cette femme trop naïve.

COURAGE ET PERSEVERANCE…

Très vite l’affluence se fait sentir, en particulier les femmes, envahit de mal être. Christine traite toutes les demandes dans l’espoir de pouvoir choisir un jour les cas qui se présenteront. Et ce, après avoir acquis une certaine et bonne réputation. Elle va donc de l’avant sans imaginer un instant ce que lui réserve cet avenir proche qu’elle aborde courageusement.

Les choses se corsent pour notre Christine Coach lorsqu’une femme, quadragénaire, vient lui demander de l’aide pour reconquérir son cher mari qui se désintéresse d’elle de manière on ne peut plus évidente. Christine traverse un petit moment de panique : "Aïe ! Que savais-je donc de cette espèce là ? Les seuls mammifères avec lesquels je partageais mon quotidien étaient les quelques générations de Cochon d’Inde que j’élevais depuis un certain temps."

Evidemment, vu sous cet angle, il est bien difficile d’apporter de l’aide à quelqu’un. Les hommes, à eux seuls, sont d’un compliqué ! Etre capable de les comprendre n’est pas forcément chose aisée. D’ailleurs, Christine ne s’en cache pas et reconnaît : "Mais les maris… J’ignorais tout de leur fonctionnement, ni même de leur intérêt d’ailleurs !" Mais, en coach acharnée, Christine relève le défi et parvient à apporter l’aide nécessaire et recherchée par la cliente.

COACHING TELEVISE…

Toutes sortes de personnes forment la clientèle de Christine Poirier. Des boulimiques aux anorexiques, des alcooliques aux drogués, des accrocs au sexe à ceux perdus dans leur quotidien… Tous frappent à sa porte. Le bouche à oreille se veut efficace, parfois et c’est ici le cas. Il l’est tant, qu’un jour notre coach reçoit un appel téléphonique pas du tout comme les autres. On lui propose "de faire des essais dans le but d’animer une émission télévisée basée sur le concept du coaching".

Tout d’abord abasourdie, elle croit à une vilaine plaisanterie mais réalise rapidement que l’appel est loin d’en être une. Rendez-vous est pris pour le casting. Celui-ci se passe merveilleusement bien. Mis à part quelques changements pour Christine : "Sur le fond, je n’avais qu’à me contenter d’exercer ma profession, les seuls changements étaient la présence des caméras et le fait que je ne sois plus en mesure de choisir mes clients, imposés par la direction. Le salaire mirobolant acheva de me convaincre et décida d’accepter."

Après avoir changé d’orientation professionnelle et réussi dans le coaching, voilà qu’elle passe un nouveau cap : Animatrice en coaching télévisé pourrait-on presque dire. Mais ce chemin inconnu va-t-il lui convenir ? Car en acceptant, elle s’est volontairement mise dans les mains d’une direction de chaîne télévisée qui ne lui laissera pas grande liberté d’action.

Rapidement, le désenchantement s’impose. Elle se trouve confrontée au manque d’humanité de cette direction (espérons qu’elles ne soient pas toutes comme celle-ci) plus attachée à son audimat qu’aux cas qu’elle souhaite mettre en avant. Christine n’est pas du tout d’accord et ne se gène pas pour le dire, ce qui lui vaudra une semi-liberté : "Tu n’es qu’un immonde salaud ! Tu te moques éperdument de la souffrance de cette pauvre femme, tout ce qui t’intéresse, c’est le score d’audience […] Il y a des choses qui doivent se faire dans la confidentialité, on ne peut pas tout montrer. Je sais que les gens sont attirés par le morbide mais je ne fonctionne pas comme ça."

QUAND LA COLERE MONTE…

Le ton est donné, Christine ne se laisse pas marcher sur les pieds, tape du poing à grand renfort de colère, ce qui fait céder la direction. Mais, jusqu’où cette dernière accepter-t-elle les conditions que demande Christine ? Parce que si la chaîne ne fait pas dans le sentimentalisme, Christine, elle, est avant tout une femme qui a du caractère mais aussi un cœur et ne tient pas à abuser de la détresse des gens qu’elle est censée aider.

Notre personnage est confronté à la dure réalité de la télé-réalité, justement, d’où le titre évocateur "Télé-vénalité", qui annonce rien que par ce titre toutes les bassesses dont sont capables certains pour augmenter leur audimat et parvenir par ces actes au sommet.

Mais, elle est également confrontée à la dérive d’un fanatique : "Je suis le parfait exemple de l’extrême dérive de la télévision, du pouvoir infini des images sur des esprits perturbés ou malléables". Christine en réchappera-t-elle ? S’en relèvera-t-elle ?

Une fin totalement inattendue pour cet ouvrage. Une fin impossible à imaginer tant qu’on n’est pas parvenu aux dernières pages mais qui se révèle cohérente et logique avec l’histoire dans son intégralité. La télévision n’a pas que du bon divertissement. Certains programmes peuvent aboutir à des dérives chez des personnes à l’esprit dérangé ou les enfants non encore enclin à une conscience mature.

La plume de Vanessa MATTIN saura vous captiver, tant par l’histoire en elle-même que par le verbe et l’humour dont elle fait preuve.
Ne passez pas à côté de cet auteur qui, à mon sens, vaut le détour !
Un prix sans excès pour ce roman captivant
Mon coup de cœur.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Télé-vénalité
Auteur : Vanessa Mattin
Editions : Paulo-Ramand
ISBN 13 : 9782754300643
Prix : 15,00 euros



dimanche 6 juin 2010

Les rêveries du chacal

"J’ai toujours souhaité la liberté pour l’homme
L’abolition des droits fondés sur le naissance ;
Du pouvoir ; de l’argent qui, à coup sûr, transforme
Le plus pur des humains…et pas dans le bon sens…
[…]
Je me suis mis moi-même autour des pieds des fers
Pour m’empêcher d’aller où mon cœur me portait.
J’avais en moi la force de bouleverser la terre
Et, quarante ans plus tard, je n’ai toujours rien fait."
Extrait du livre

POESIE, POESIE…VOUS AVEZ DIT POESIE ?

Voilà un recueil poétique qui, à mon sens, aurait mérité la collection Coup de Cœur de l’éditeur. La plume d’Alain Hénouille nous emporte gentiment et nous pose ça et là dans des rythmes à la fois de douceur, d’interrogation, de tristesse, de joie, d’amour… Tout y est !

"Tu joues par terre avec tes p’luches,
Je te regarde, maladroite.
Toi tu commences, moi je finis…
Chacun son tour, c’est court une vie…"

Si vous ouvrez une page de ce recueil, vous rencontrerez "Le chacal" d’Alain Hénouille. Il vous contera ses douleurs et ses peines, ses joies et ses bonheurs, avec des mots qui résonnent bien et des rimes sans trop de longueur, dans une régularité bien accordée :

"C'était le temps des culottes courtes
Où les adultes, hypocritement,
Croient que l’enfance n’a pas de doute
Et qu’elle se vit sans tourment.

On jouait dans la grande cour
Avec nos billes et nos ballons.
Nos jeux étaient presque aussi lourds
Que les tables de conjugaison."

SI NOTRE SOCIETE ETAIT PLUS BELLE…

"Le chacal", en bon guide, nous raconte par les rimes ce qu’il a dans le cœur et qui titille ses peurs. Mais, rassurez-vous, pas de larmes dans les yeux, juste quelques gouttes de plaisir sur le cœur :

"J'ai perdu mes envies
Avec mes illusions.
Je suis toujours en vie
Sans trop de conviction…"

Mais, "Le chacal" a aussi ses révoltes où il n’épargne pas les hommes "qui placent leur orgueil dans leur queue, brandie comme un drapeau glorieux". Et il n’a pas complètement tort, "Le Chacal", face à cette société tantôt dévastée, tantôt pleurnicheuse.

L’auteur, avec des termes précis, aborde tous les instants et les faits de notre société actuelle.
Même la mort au coin d’une rue qui choisit ses victimes au gré de son envie : "sans regarder, défriche. Hommes, vieillards, enfants, femmes tombent sous votre lame".

DES RIMES PLEINES DE REALISME…

Mais, n’ayez crainte, chers lecteurs, toutes ces poésies ne sont pas tristes. Certaines sont gaies, d’autres tendres, tout en étant très réalistes. De "Lassitude" en "Possession", d’"Une impasse" au "Chant du diable", rien n’est laissé au hasard :

"Plus assez d'osygène
Pour raviver les braises
Ni même le désir
Qu’il en soit autrement
[…]
Allez, tirons un trait
Sur le bien et le mal
Sur la haine et l’amour…
Balançons-nous en l’air !"

Le sourire tendrement naîtra à la lecture de "Tit Bout", tant la tendresse qui en émane ravive la douceur du cœur. Si la vie pouvait être à cette image, le malheur n’aurait plus d’espace pour évoluer. Utopie certes, mais les rêves ont leur place tant qu’ils ne transforment pas la vie en glace.

"Je n’ai qu’elle,
Petit loup
Faible et belle
Plus que tout

Je ne reste en vie
Que parce qu’elle existe,
Qu’elle m’aime, qu’elle rit
Même quand je suis triste
[…]
Je n’ai qu’elle,
Ça suffit
Pour que belle
Soit ma vie.

Tout se trouve dans ce recueil, de la beauté à la laideur, de la tendresse à l’imperfection du monde si profonde et évidente.
Laissez-vous entraîner par cet auteur qui, accompagné de son chacal, traverse les heures malgré les rancœurs.

Un ouvrage destiné à tous les amoureux de poésies.
Pas d’abus quant au prix pour ce recueil de qualité à tout point de vue.
La plume de l’auteur est un vrai plaisir.
Pas de fioriture non plus pour ces sujets qui somme toute sont bien d’actualité.

Marie BARRILLON

Informations sur le livre :

Titre : Les rêveries du chacal
Auteur : Alain Hénouille
Editions : Edilivre
Collection : classique
ISBN 13 : 9782812121111
Prix : 13,00 euros